Atelier 31 : Société d’Étude du Romantisme Anglais (SERA) – Frontières & déplacements dans le romantisme britannique / Crossings & Borders in British Romanticism]
Responsables de l’atelier
Antonella Braida
Université de Lorraine
antonella.braida-laplace@univ-lorraine.fr
Yann Tholoniat
Université de Lorraine
yann.tholoniat@univ-lorraine.fr
Camille Adnot
Université Paris Cité / Université Paris-Est Créteil
camille.adnot@gmail.com
“Plate Borders as Dynamic Environments in William Blake’s Illuminated Books”
This paper delves into Blake’s experimental treatment of plate borders in his illuminated books, shedding light on his conception of the material border as a dynamic and interactive space. Blake’s books offer multimedia sites where text and image engage in a territorial struggle, clashing and blending in intricate ways. Navigating the interplay between text and image in Blake’s art involves addressing the challenges posed by the assumed separation of their terrains, yet Blake’s art embraces a hybrid and synchronous nature.
Nowhere is this dynamic interplay more apparent than at the edges of Blake’s books—plate borders. The creative act starts with a frame—a structure that marks an inside and an outside. Jean-Luc Nancy’s definition of the image as that which is distinct from an outside finds resonance in Blake’s conception of plate borders: “L’image est séparée de deux manières simultanées. Elle est détachée d’un fond et elle est découpée dans un fond.” (Au fond des images, 2003). Yet Blake cultivates unevenness, as his plates are not uniform, which offers a view of the book as a flexible artefact. This flexibility is emphasised by Blake’s removing of the border created by the copper plate before printing in some cases, experimenting with degrees of openness.
Thus, plate borders present flexible environments rather than static boundaries, where images proliferate. Images do not merely decorate the space, but articulate a visual commentary on the content of the plates, and draw attention to their relation with the outside. Borders do not only contain images, but themselves become images. Blake’s artistic practice invests borders as dynamic spaces of exchange and proliferation, encapsulating his intermedial aesthetics.
Biographie
ADNOT Camille is a final-year PhD candidate at Université Paris Cité (defending in December, 2023, thesis title: “‘In midst of Chaos:’ Disorderly Orderings in William Blake’s Illuminated Books”), and a Teaching and Research Fellow at Université Paris-Est Créteil. Her research considers the illuminated poetry of William Blake, especially his later ‘Prophetic Books’ and the representation of chaos. She co-hosts the seminar ‘Romanticism across Borders’ at Université Paris Cité. Her research interests include long nineteenth-century poetry and art, and the interplay between text and image. She has contributed to collective works such as Inconstances Romantiques (2019), Water and Sea in Word and Image (2023), and Milton Across Borders and Media (2023).
Samuel Baudry
Université Lumières Lyon 2
samuel.baudry@univ-lyon2.fr
Vers et poésie dans la presse périodique des années 1780-1790 : une frontière équivoque.
Oubliés de nos anthologies et de nos canons, objets de dérision et contre-modèles pour les auteurs romantiques, divers genres versifiés, éphémères ou légers, emplissaient les pages des publications périodiques de la deuxième moitié du 18ème siècle, en garantissaient parfois même le succès. Les épigrammes, les parodies, les énigmes et les problèmes en vers constituait en effet une partie appréciée de la presse, tout un monde infra-poétique maintenant oublié.
Par une étude aussi systématique que possible de tous ce qui s’imprima en vers dans les magazines britanniques entre 1785 (année de publication du Florence Miscelany) et 1798 (année de publication des Lyrical Ballads) on explorera ces formes oubliées qui permettent de dessiner, de questionner, la frontière mouvante et disputée entre la « poésie », telle que les romantiques la conceptualisèrent, et les « vers » qui étaient alors communément lus.
Biographie
BAUDRY Samuel est Maître de Conférences à l’Université Lumières Lyon 2 et membre du laboratoire IHRIM (UMR 5317). En 2023 il a publié D’où vient la critique littéraire ? aux presses universitaires de Lyon. Il est engagé dans un projet d’édition électronique de la presse britannique du 18ème siècle (Universal Gazetteer, en collaboration avec Denis Reynaud)
Jérôme Chemin
Université de Poitiers
jerome.chemin@univ-poitiers.fr
« Les carnets de Humphry Davy : repousser la frontière entre les disciplines ».
Considéré comme l’un des scientifiques les plus éminents de l’époque romantique, Humphry Davy a découvert plus d’éléments chimiques que quiconque avant lui. Son insatiable soif de connaissances scientifiques dépasse les délimitations disciplinaires telles que nous les connaissons aujourd’hui.
Ses carnets témoignent de son intérêt pour le décloisonnement disciplinaire. S’y entremêlent des procédures expérimentales en chimie, des croquis géologiques, des observations sur le climat et la nature, des réflexions philosophiques, des détails autobiographiques ainsi que des vers de poésie.
Cette conférence propose d’explorer la frontière poreuse entre les disciplines dans les carnets de Humphry Davy et plus précisément celle entre science et poésie. Inspiré par la poésie et par certains poètes qu’il fréquentait, notamment Coleridge et Southey, Davy griffonne de nombreux vers dans ses carnets, même alors qu’il se trouve dans son laboratoire. Ses vers émergent alors qu’il mène ses expériences et, souvent, le sujet de ses expériences vient colorer le contenu de ses vers. Le support poétique prête-t-il sa voix à la démonstration scientifique ou l’exploration poétique vient-elle nourrir la richesse des hypothèses scientifiques ? Chez Davy, science et poésie cohabitent et occupent un territoire contigu comme le décrit si bien Saint John Perse : « Aussi loin que la science recule ses frontières, et sur tout l’arc étendu de ces frontières, on entendra courir encore la meute chasseresse du poète. »
Il s’agit d’étudier la figure du scientifique qui, loin de se cantonner au domaine de la science à l’intérieur de son laboratoire, élargit le champ d’application de ses expériences, du prosaïque au poétique, du physique au métaphysique.
Biographie
CHEMIN Jérôme travaille actuellement en temps qu’ATER à l’université de Poitiers. Il a terminé sa thèse en novembre 2022 à l’université de Lorraine et sous la direction du Pr. Yann Tholoniat. Sa thèse est intitulée « La Poésie de Coleridge : entre conversation poétique et dialogue philosophique » et a été récompensée par le prix de thèse de la SERA (édition 2023).
Emmanuelle De Champs
CY Cergy Paris Université
emmanuelle.de-champs-de-saint-leger@u-cergy.fr
« ‘What is love?’ Une nouvelle frontière des relations entre les sexes dans les milieux romantiques et radicaux londoniens. »
Dans The Origins of Sex. A History of the First Sexual Revolution, F. Dabhoiwala a montré comment une nouvelle morale sexuelle s’élabore dans certains milieux radicaux londoniens entre la fin du XVIIIe et les premières décennies du XIXe siècle (Dabhoiwala 2013, 123- 135). What is Love ? Or Every Woman’s Book, de Richard Carlile, paraît à partir de 1825 dans The Republican et fait l’objet de plusieurs éditions successives, souvent remaniées, au cours des années suivantes. Carlile y compile plusieurs sources, comme le pamphlet de Francis Place sur la contraception, la note ajoutée par Shelley à Queen Mab critiquant l’institution du mariage, des sources antiques, et reprend les remarques qui lui sont envoyées par ses lecteurs et lectrices. Ces nouveaux discours sur la sexualité sont à l’articulation des conceptions romantiques, des débats autour des Principles of Population de Malthus, de la critique de la famille par Robert Owen et de la redécouverte des principes épicuriens à laquelle l’utilitarisme contribue. Cette présentation se penchera ensuite sur la façon dont les autrices Frances Wright et Anna Doyle Wheeler se sont nourries de ces débats pour construire, indépendamment l’une de l’autre, leurs critiques féministes du mariage et leurs arguments pour l’émancipation des femmes au cours des années 1820.
Biographie
DE CHAMPS Emmanuelle est professeure d’histoire et civilisation britannique à CY Cergy Paris Université et spécialiste de Jeremy Bentham. En délégation à l’UMR Triangle en 2023-24, elle travaille sur les cultures radicales à Londres dans les années 1815-1832.
Felix Duperrier
Université Paris Cité
duperrier.felix@gmail.com
“Making Borders Work: Wordsworth’s Thinking on Autonomy”.
The late 1800s and the early 1810s marked a pivotal moment in William Wordsworth’s career. The period brought about a crisis of unprecedent magnitude in Wordsworth’s thought and literary production on multiple levels. This crisis originated in Wordsworth’s abiding concerns with the polarisation of British society, which Wordsworth regarded as dangerously divided. British identity and the nation’s cultural heritage, in his view, had been all but compromised by the combination of a self-serving, wealthy elite, the absence of labour laws, and an inadequate access to education for the working classes. This crisis was further compounded by the Napoleonic wars and the existential threat Napoleonic imperialism posed to Great Britain. The invasion of Spain and Portugal by French troops in 1808, in particular, catalysed Wordsworth’s partly republican, partly conservative politics, leading Wordsworth to publish Concerning the Convention of Cintra (1809). This important, but largely neglected, tract formulated an organic conception of nationhood. A nation, Wordsworth held, was akin to an organism whose unity derived from the co-existence of interdependent entities. This organic theory was dominated by a sense of boundaries, as it recognised that boundaries––both in terms of social structures and geopolitical borders––fostered national unity and civic engagement. The remedy to the twofold crisis, then, lay not in abolishing boundaries, but in redressing social and geopolitical imbalances. In Cintra and The Excursion (1814), Wordsworth argued that organic unity could be achieved by restoring autonomy––both the autonomy of the individual, and that of violated nations like Spain and Portugal. Both works are informed by Wordsworth’s faith in the ability of poets and thinkers to enhance such autonomy: the kind of knowledge that poets and thinkers propagate enables individuals and nations alike to determine their own futures. The aim of this paper is to explore how Wordsworth’s thinking about boundaries––at once conceptual, social, and national––underpins his evolving definition of the civic role of the poet. For Wordsworth, poets are in a unique position to guide historical change by reconciling self-determination to collective unity. The paper will retrace Cintra’s defence of autonomy, stressing the vital role that poets play as cultural agents. It will then consider how Wordsworth’s poetry appeals to, and even performs, the reader’s capacity for autonomy. It will specifically address Books XIII and IX of The Excursion, which represent a material world in a state of flux––a world where the unstable boundaries of natural elements like water and clouds, but also those of blank verse, build up a dynamic, integrated whole. Ultimately, it will challenge the categorisation of Wordsworth’s career into ‘early’ and ‘late’, into his ‘Great Decade’ and subsequent ‘decline’, by emphasising the continuities of his republican views and his enduring commitment to promoting the interests of the people.
Biographie
DUPERRIER Felix prépare une thèse sur William Wordsworth à Université Paris Cité sous la direction de Jean-Marie Fournier. Il s’intéresse tout particulièrement à la pensée politique et aux pratiques littéraires dans l’œuvre tardive de Wordsworth.
Rémy Duthille
Université Bordeaux Montaigne
remy.duthille@u-bordeaux-montaigne.fr
“Abolishing Borders, Staging Friendship: Cross-Channel Festivals and Foreign Guests of Honour, 1790-1792”.
This paper examines political festivals in both England and France (14 July celebrations in London in 1790, Anglo-French Festivals in French Seaports from 1790 to 1792) as events staging Franco-British friendship and reconciliation. They were marked by rhetoric calling for the abolition of borders or, more frequently, the maintenance of them with a free-trade regime ensuring a health political, economic and social emulation.
English radicals used Bastille Day as a platform for relaunching parliamentary reform at home, paying homage to French guests of honour and using French phraseology and symbols, borrowing freely from across the Channel. As for French Jacobins in Bordeaux, Nantes and other Atlantic ports, they gave festivals to British subjects in town, treating them as guests of honour. Both sets of festivals are linked by cross-Channel voyages, especially that of Bougon and Français, two members of the Nantes Jacobin Club, who treated English seamen in Nantes to a festival in August 1790, then, in the autumn, crossed the border and were lioned by Whig grandees and middle-class radicals in and around London.
The paper examines the crossing of both national borders, and symbolic and cultural ones (Franco-British syncretic symbolism, crossings from private to public spheres with domestic and tavern festivities). This rather short moment of attempted Franco-British celebration in 1790-1792 collapsed as diplomatic relations worsened and war broke out in February 1793, but it also established patterns and precedents for later Anglo-French crossings in the nineteenth century.
Biographie
DUTHILLE Rémy est Maître de conférences HDR en civilisation britannique à l’Université Bordeaux Montaigne et spécialiste des sociabilités et du radicalisme politique à l’âge des révolutions.
John-Erik Hansson
Université Paris Cité
John-erik.hansson@u-paris.fr
« Hériter l’anarchisme de William Godwin après la Seconde Guerre mondiale en France, en Belgique et au Royaume-Uni ».
Cette communication propose d’étudier William Godwin par le prisme de son franchissement de frontières à la fois chronologiques et entre États, dans l’Europe de la seconde moitié du XXè siècle. Godwin, sa pensée et son anarchisme ont en effet été saisis par des intellectuels du monde anarchiste après la Seconde Guerre mondiale. Au Royaume-Uni, le membre du collectif Freedom, George Woodcock, publie une étude biographique de William Godwin dès 1946. Celle-ci fait date et encourage d’autres anarchistes anglais, et notamment Colin Ward à puiser dans la pensée Godwinienne pour penser l’anarchisme et la révolution dans le contexte du Royaume-Uni d’après-guerre, notamment dans les pages des périodiques Freedom et Anarchy. En 1953, en France et en Belgique, les anarchistes André Prudhommeaux et Hem Day (Marcel Dieu) consacrent le premier numéro des Cahiers Pensée et Action à « William Godwin Philosophe de la Justice et de la Liberté ».
Partant des traces de cette réception de Godwin dans l’Europe d’après-guerre, j’interrogerai les raisons qui sous-tendent les tentatives de ressusciter Godwin, auteur relativement oublié voire peu connu (particulièrement en France), et le transformer en figure de proue d’un activisme anarchiste souvent vu en recul de 1945 à la fin des années 60. En particulier, je m’intéresserai à la façon dont Woodcock, Ward, et les contributeurs aux Cahiers Pensée et Action meeent en scène le pacifisme, la pédagogie et le fédéralisme de Godwin pour penser un anarchisme à la fois réformiste et révolutionnaire, utopique et pratique, adapté à une Europe meurtrie par deux guerres mondiales et où l’État prend une place de plus en plus importante étant donnés à la fois le développement de l’État providence et le modèle soviétique dont s’inspire en partie les gauches européennes.
Biographie
HANSSON John-Erik est Maître de conférences en histoire britannique à l’Université Paris Cité. Il s’intéresse au radicalisme poli[que du dix-hui[ème siècle à nos jours, particulièrement à William Godwin, à son cercle et à sa réception, et à l’histoire de l’anarchisme.
Pauline Hortolland
Université Paris Cité
hortollandpauline@orange.fr
“Investigating the Boundaries between Animal and Vegetable Life in Percy Shelley’s ‘The Witch of Atlas’”
In ‘The Witch of Atlas’, botanical metaphors enable Shelley to investigate intermediary modes of existence, blurring the difference between dream and reality, the virtual and the actual, mutability and eternity, so as to celebrate the unexpected fruitfulness of poetry. Paying a closer look to the limits between the vegetal and the animal, the human and the non-human, enables Shelley to problematize in a striking way the limits between the virtual and the actual, introducing eery images of hybridization. I argue that from the ‘strange seed’ to the ‘swift eagle’, a series of poetic metamorphoses allowed Shelley in ‘The Witch of Atlas’ to investigate different modes of existence, whose elusiveness and fluidity are epitomized by the witch herself. Building such a network of symbols enables Shelley to reflect on the efficacy of poetry as an awakening power and as a virtual realm welcoming unexpected forms of fruitfulness and of fertility. This is particularly striking in the description of a hybrid animated vehicle – the witch’s “love boat” – which also represents the moving frontier between the vegetal and the animal.
Biographie
HORTOLLAND Pauline est ATER à Université Paris Cité. Elle est membre de la SERA, BARS et NASSR.
Céline Lochot
Université de Lille
celine.elodie@gmail.com
« La dissolution des frontières chez De Quincey : entre exaltation et terreur »
Dans The English Mail-Coach, De Quincey dépeint le déplacement comme une expérience mystique qui dissout les frontières ; peu importe le but, l’important est la communion des êtres et l’exaltation de la gloire britannique dans les guerres contre Napoléon.
La littérature est également un espace de liberté, qui efface ou redessine à sa guise toute frontière : les rêves d’opium abolissent le temps et juxtaposent les paysages anglais et asiatiques ; le passé et le présent de l’Espagne s’affrontent dans « The Nautico-Military Nun of Spain ».
Les frontières de l’œuvre elle-même deviennent mouvantes, et les débordements constants de l’écriture la rendent incontrôlable : coexistence des genres au sein des articles, digressions irrépressibles, glissement illicite d’un sujet d’un volume à un autre (« Here I am, viz., in vol. XV. Never ruffle your own temper, reader, or mine, by asking how, and with what right » “Sir William Hamilton”); pas étonnant que l’œuvre échappe à son auteur, qui échoue à organiser ses écrits en une œuvre cohérente (Selections Grave and Gay).
La fluidité de l’écriture souvent ludique et digressive s’avère à la fois séduisante et menaçante pour l’auteur. Difficile d’identifier les attentes d’un lectorat en pleine mutation, et la frontière entre le bon et le mauvais goût. Pour reprendre le contrôle, De Quincey s’appuie, entre autres, sur une double frontière : la frontière linguistique, qui lui permet, par le biais de citations classiques non traduites, de réaffirmer la communauté idéale d’un auteur érudit et d’un lecteur à son image.
La frontière identitaire est la plus problématique : l’omniprésence de l’autobiographie dans l’œuvre reflète la porosité entre les sphères de l’intime et du public ; la fragmentation du moi passe par la figure de l’ennemi intérieur, préfiguration des écrits freudiens.
Biographie
LOCHOT Céline est agrégée d’anglais et titulaire d’une thèse de doctorat en études anglophones de l’Université de Bourgogne sur l’Ironie dans l’œuvre de Thomas De Quincey. PRAG à l’IUT de Lille depuis 2009, elle enseigne la méthodologie littéraire au département des études anglophones (université de Lille) depuis 2016. Parmi ses publications récentes, Complexe de l’ironiste, De Quincey à l’œuvre (Grenoble : UGA Editions, 2021, 351 p.) et « Les (Re)construction(s) de Thomas De Quincey ». Inconstances romantiques : Visions et révisions dans la littérature britannique du long XIXe siècle (Nancy : Editions Universitaires de Lorraine, 2019, 203-218).
Cécile Margalet
Université de Lorraine
cecile.margalet@gmail.com
« Le dépassement de la frontière entre littérature et science à travers une tentative de lecture psychiatrique de la tragédie De Monfort de Joanna Baillie (1798) ».
La thématique de la frontière et de son dépassement est une dialectique qui peut s’inscrire dans une réflexion où littérature et sciences se côtoient non pas comme deux sphères hermétiques l’une à l’autre, mais davantage comme des univers aux contours poreux qui se nourrissent l’un de l’autre. Cette perspective qui envisage la frontière comme un espace de rencontre et d’interaction est au cœur de la pièce De Monfort, tragédie composée par Joanna Baillie en 1798. Grâce à sa proximité avec son frère Matthew Baillie, médecin attitré du roi George III, Joanna Baillie fut une témoin privilégiée des avancées scientifiques en ce qui concerne le fonctionnement du psychisme et de l’âme humaine. Ecrivaine au discours scientifique, elle développa une exploration de l’anatomie de différentes passions par le truchement de l’écriture théâtrale. Il me semble intéressant d’interroger la notion de frontière en proposant une tentative de lecture psychiatrique de De Monfort, dans la tragédie éponyme de Baillie. La pièce présente l’évolution de la passion de la haine, abordée comme une pathologie dont le spectateur suit l’évolution, de l’apparition des premiers symptômes jusqu’ à sa manifestation la plus exhaustive. Grâce à l’outil théâtral du monologue, Joanna Baillie invite le spectateur à dépasser la frontière physique de son personnage, à pénétrer à l’intérieur de l’espace mental de ce dernier pour suivre une dissection anatomique du développement de sa passion morbide. Cette lecture de paysage mental repose sur une frontière sinueuse aux confins variables oscillant entre deux perceptions d’une même réalité, celle envisagée au prisme de l’imagination ou du fantasme et celle effective qui correspond aux repères de la norme. Par ailleurs, il serait pertinent d’observer chez De Monfort où se place le curseur qui marque la limite entre les manifestations d’une passion aussi exacerbée soit-elle et le basculement dans l’espace flou et sans repères de la folie. Cette tentative d’analyse psychiatrique d’un personnage de la tragédie permet ainsi de mettre en lumière chez Joanna Baillie le désir de transgresser la frontière entre la sphère théâtrale et la sphère scientifique afin de créer un espace de la rencontre où le discours médical est au service de la création théâtrale.
Biographie
MARGALET Stutzmann Cécile est actuellement en troisième année de doctorat à l’Université de Lorraine (Nancy), et le titre provisoire de sa thèse est « Passions et folie dans Plays on the Passions de Joanna Baillie, mise en texte et mise en scène en Grande-Bretagne à l’époque romantique ». En 2020, elle a complété un M2 recherche toujours à l’Université de Lorraine, avec un mémoire intitulé « The Influence of Classicism and Myths in Mary Shelley’s Fiction and Drama : Frankenstein, Proserpine and Midas, and The Last Man ». Elle est titulaire d’un CAPES qu’elle a obtenu en 1992. Depuis 1994, elle exerce dans le second degré au collège la Passepierre à Chateau-Salins.
Marion Leclair
Université d’Artois
marion.leclair@gmail.com
“There and back again: the Channel crossings of Godwin’s Caleb Williams (1794)”.
William Godwin’s Things As They Are; or, The Adventures of Caleb Williams, published in 1794 in Britain, met with immediate success across the Channel: two French translations appeared in 1796, by Germain Garnier in Paris, and by Samuel Constant (Benjamin’s uncle) in Lausanne. The following year, it was adapted for the French stage by Jean-Louis Laya as Falkland, ou la conscience, with François-Joseph Talma in the lead rôle. When Godwin died in 1836, an obituary printed in the Revue britannique recalled Caleb Williams’s ‘débit prodigieux’ in France, comparing it to that of Walter Scott’s novels. This crossing of borders was facilitated by a relative slump in novel production in France during the revolutionary decade, as well as by a perceived political continuum between French and British jacobinism: Caleb Williams, writes Garnier in his preface, is ‘sure to be welcomed in the country which has dealt the most severe blows to the ancient spirit of chivalry’.
Godwin’s work crossed a social border at the same time. Feted on the continent in the Stael-Constant circle by liberal aristocrats looking for a middle ground between absolutism and republicanism, it became (like Godwin’s Political Justice of which Constant attempted a truncated translation) hollowed of its initial radical thrust: it was praised (in Stael’s Essai sur les fictions) as a thriller rather than a political novel, able to captivate readers without relying on a love interest.
This reading then made its way back to Britain where it was taken up, from the 1810s on, by Anna Laetitia Barbauld and The Edinburgh Review, as the novel was gradually purged of its jacobin taint and absorbed into the national canon.
My paper will trace the cross-border itinerary of Caleb Williams in the age of revolutions, while attempting to make a broader point about the non-coincidence of literary fields across borders, and the gradual construction in early nineteenth-century Britain of a literary sphere ostensibly abstracted from politics.
Biographie
LECLAIR Marion est Maîtresse de conférences en civilisation britannique à l’Université d’Artois et spécialiste du radicalisme poli[que et libéraire à la période romantique.
Kimberley Page-Jones
Université de Bretagne Occidentale
pagejonesk@yahoo.com
« British travellers to revolutionary France: the politics of public joy in counter-revolutionary Romanticism »
This paper will argue that the second revolution, inaugurated by the September massacres in 1792, entailed a revision of representations of public joy in British travel narratives. Jean Peltier, a Royalist and active counter-revolutionary polemicist, marked 1792 as a moment of exceptional horror in his Dernier Tableau de Paris ou Récit historique de la révolution du 10 août 1792, and the September massacres as an ‘anti-fête’. Peltier had loosely translated and published some of Burke’s discourses, praising his linguistic boldness. His writing developed a large range of strategies, from trigger warnings to theatrical metaphors, horror exceeding language, images of natural degeneration and chaos to shape the ‘festive terrible’. In counter-revolutionary accounts of French public events, festive jubilation mutates into ferocious mirth, and descriptions conjure up Burke’s dreadful parading of the Royal captives with its ‘horrid yells’, ‘shrilling screams, and ‘frantic dances’. The rhetorical technique was used in countless anti-Jacobin travel narratives. The paper will focus more specifically on the later letters of Helen Maria Williams and the travelogue of Rachel Charlotte Biggs who resided in France from 1792 to 1795 and ‘reported’ all the massacres for the Jacobin press, making ample use of all the paraphernalia of the Burkean anti-fête.
Fraternity and public joy demystified by the horrors of the Jacobin revolution, British travellers looked for new ‘delightful visions’ to ‘elevate the enthusiastic heart’ (H.M. Williams). The letters Helen Maria Williams wrote during her journey to Switzerland for instance reintroduce more communal or private forms of joy she had explored in her pre-revolutionary novel Julia. The same unquenchable appetite for healing visions of social delight also characterise Mary Wollstonecraft’s Scandinavian letters. The paper thus aims to show that the travel narratives of the period 1792-1798, looking at or looking back at the second revolution, took two divergent paths. While loyalist travellers publicized the Terror as the natural degeneration of the festive ideal confirming Edmund Burke’s political oracle, revolutionary enthusiasts like William Wordsworth or Helen Maria Williams looked towards new forms of fraternal joy to re-humanize solitary or communal experiences. In that sense, the travel narratives played an important role in effecting the transition from a demystified public joy to more private, communal or customary forms of joy. The epistolary travelogue Coleridge envisaged writing when he left to Germany in September 1798 is also a key narrative for the Romantic reinvention of social joy and public affections. As in Wollstonecraft’s letters, Coleridge’s interest for rural communities, customary festive events and folk culture while touring Germany can be read in the context of the disavowal of public fraternal events.
Biographie
PAGE-JONES Kimberley is Senior lecturer at the University of Western Brittany in France. Her research has focused on the practice of notebook writing during the Romantic era (Énergie et mélancolie: les entrelacs de l’écriture dans les Notebooks de S.T. Coleridge (Grenoble: UGA, 2018)). She is a member of the GIS Sociabilités and has coordinated the H2020 DIGITENS project. She is also one of the Managing Editor of the DIGIT.EN.S Encyclopedia. Her research currently focuses on the political values attached to sociable practices and social imaginaries and their aesthetic representations in travel writings. She has published articles and collective volumes on the topic. Her latest publication is Sociabilités et espaces en Europe et dans les colonies (XVIIIe-XIXe siècles). Pratiques, identités et réseaux, co-edited with Valérie Capdeville, Presses de l’Université de Montréal, 2023.
Pauline Pilote
Université Bretagne Sud
pauline.pilote@univ-ubs.fr
« ‘The shores of honest, plain-dealing America’ : Le rivage atlantique dans le roman historique américain ».
Alors que la Jeune République américaine s’installe dans la durée, pérennisant l’indépendance politique obtenue à la fin du XVIIIe siècle, les États-Unis cherchent à faire nation et à construire un exceptionnalisme américain. À l’heure de la Doctrine Monroe, les États-Unis se recentrent sur eux-mêmes à une période qui consacre la Destinée Manifeste. Alors que la Frontière devient la marque de l’expérience américaine et de ses visées transcontinentales, frontière mobile d’un territoire en constante expansion, que devient alors la frontière atlantique, placée face à l’Europe ? Tandis que les États-Unis, portés par le patriotisme de cette première moitié du XIXe siècle, reconsidèrent leur passé partagé avec les Britanniques, notamment tel qu’il est véhiculé par le roman historique en plein essor dans les années 1820-1830, l’Atlantique est revu comme le symbole géographique de cette distanciation et la démarcation physique de la rupture consommée entre les Îles britanniques et les États-Unis. Dès lors, quelle représentation ces romans historiques donnent-ils du rivage océanique ?
C’est à cette question que cette communication cherchera à répondre en se concentrant sur plusieurs romans historiques des années 1820. Y a-t-il une différence de traitement du rivage atlantique entre les romans qui traitent de la période pré-révolutionnaire ou ceux, très nombreux, qui prennent la Révolution américaine comme cadre ? Contrairement à la Frontière, définie comme une limite dynamique, la côte est apparaît comme une limite fixe. Le rivage se présente comme le lieu de l’arrivée, point d’arrêt du voyage transatlantique, un seuil marqué par sa dangerosité : si la traversée en elle-même est rarement décrite dans les romans, nombreux sont les naufrages qui ont lieu aux abords des côtes. Zone de contact malgré la distance avec l’Europe, et surtout avec les Îles britanniques, le rivage atlantique est une porte vers l’Angleterre qu’il convient tantôt d’ouvrir, tantôt de refermer. En effet, dans les romans qui prennent pour cadre la guerre d’Indépendance, si le conflit en mer n’est pas l’objet du roman, c’est souvent le port qui devient un espace de contestation, notamment autour des événements liés au Boston Tea Party. C’est sur cette frontière complexe et sur ce qu’elle dit du rapport des États-Unis à l’océan et à la Grande Bretagne que se penchera cette communication.
Biographie
PILOTE Pauline est maîtresse de conférences en littérature anglophone à l’Université
Bretagne-Sud de Lorient. Spécialiste des rapports entre histoire et fiction au XIXe siècle, elle travaille dans une perspective transatlantique sur l’écriture de l’histoire, et notamment sur la réception de l’œuvre de Walter Scott aux États-Unis. Son livre Wizards of the West : Walter Scott et le roman historique américain, paru aux Presses Universitaires de Rennes en 2022, étudie le rôle du roman historique dans la construction du patrimoine national américain pendant la première moitié du XIXe siècle. Spécialiste de Walter Scott et de James Fenimore Cooper, et plus largement de la littérature de l’ère postrévolutionnaire, elle a préfacé, pour les éditions Gallmeister, la réédition du Dernier des Mohicans et d’Ivanhoé, prévue pour 2025.