Atelier 13 : Stylistique et analyse des discours anglophones (SSADA)
Responsables de l’atelier
Julie Neveux
Sorbonne Université
julie.neveux@sorbonne-universite.fr
Léa Boichard
U. Savoie Mont-Blanc
lea.boichard@univ-lyon3.fr
Aurélien Amet
Sorbonne Université (Celiso)
aurelienametd@gmail.com
« We have a right and a duty to protect our borders » : Représentations des frontières et de l’immigration dans le discours politique américain contemporain
La question de l’immigration et de la protection des frontières est un enjeu politique international. Il est étudié en sciences politiques mais également en analyse du discours et semble capital car il structure une grande partie du discours politique américain de ces 20 dernières années. Ce discours est présent à tous les niveaux de la vie politique et sort d’un cadre officiel, il joue un rôle central également dans les médias traditionnels et les sur les réseaux sociaux (Demata, 2021). Souvent associées aux métaphores de ʟ’ᴇᴀᴜ et des ᴄᴏɴᴛᴇɴᴇᴜʀs (Charteris-Black, 2006) qui permettent de mettre en lien les concepts quelque peu abstraits de frontière et d’immigration avec des éléments plus tangibles et familiers, ces notions permettent de traduire la position idéologique de l’énonciateur sur ces questions, en observant notamment la valence des termes utilisés, leurs connotations et les réseaux conceptuels dans lesquels ils interviennent.
Cette communication a pour objectif de présenter une analyse de la façon dont les questions d’immigration et de protection des frontières ont été traitées par les présidents Bush, Obama et Trump entre 2000 et 2022, et comment cela s’inscrit dans leurs stratégies rhétoriques et politiques respectives.
Cette étude est réalisée à partir d’un corpus de discours des présidents analysé à l’aide de Sketchengine et de LIWC-22. Les discours ont été sélectionnés par une recherche de chaines de caractères (border*, immigra*) dans la base de données The American Presidency Project. La première partie de ce travail prend la forme d’une étude lexicale : quels sont les termes utilisés pour parler de l’immigration et des frontières ? S’agit-il de mots émotifs dépendants, indépendants, positifs, négatifs (Macagno et Walton, 2014) ou de mots neutres ? Ces mots interviennent-ils dans leur sens propre, ont-ils été redéfinis (Stevenson, 1944 ; Macagno et Walton, 2010) ou font-ils partie de réseaux métaphoriques ? La seconde partie éclaire ces résultats à la lumière de leur contexte politique afin de comprendre la valeur de ces questions pour les trois présidents. Une constante semble s’imposer à travers ces recherches : la discussion sur les questions d’immigration et de contrôle des frontières suscite toujours des émotions fortes et la peur est la plus présente d’entre-elles.
mots clés : Analyse de discours, politique, rhétorique, immigration, frontière, peur, métaphore
Charteris-Black, Jonathan. ‘Britain as a Container: Immigration Metaphors in the 2005 Election Campaign’. Discourse & Society 17, no. 5 (2006): 563–81.
Demata, Massimiliano. ‘Keeping the Threat Out Trump’s Discourse, the Wall and the “Other”’. Altre Modernità N. 25 (2021): 270-286.
Higgs, Robert. ‘Fear: The Foundation of Every Government’s Power’. The Independent Review 10, no. 3 (2006): 447–66.
Howe, Nicholas. ‘Metaphor in Contemporary American Political Discourse’. Metaphor and Symbolic Activity 3, no. 2 (June 1988): 87–104.
Lakoff, George. Metaphor and Thought. 2nd ed. Cambridge University Press, 1993.
Lakoff, George, and Johnson, Mark. Metaphors We Live By. Chicago: University of Chicago Press, 2003.
Lee, Michael J. ‘Us, Them, and the War on Terror: Reassessing George W. Bush’s Rhetorical Legacy’. Communication and Critical/Cultural Studies 14, no. 1 (2017): 3–30.
Macagno, Fabrizio and Walton, Douglas. Emotive Language in Argumentation. 1st ed. Cambridge University Press, 2014.
———. ‘Emotive Meaning in Political Argumentation’. Informal Logic 39, no. 3 (2019): 229–61.
———. ‘The Argumentative Structure of Persuasive Definitions’. Ethical Theory and Moral Practice 11, no. 5 (2008): 525–49.
———. ‘The Argumentative Uses of Emotive Language’. Revista Iberoamericana de Argumentacion 1, no. 1 (2010): 1–33.
Steen, Gerard. ‘Pragglejaz in Practice: Finding Metaphorically Used Words in Natural Discourse’, 2010
Stevenson, C. L. Ethics and Language. Ethics and Language. New Haven, CT, : Yale University Press, 1944.
Van Dijk, Teun A. Discourse and Context: A Sociocognitive Approach. Cambridge Univ. Press, 2010.
———. ‘Ideology and Discourse Analysis’. Journal of Political Ideologies 11, no. 2 (2006): 115–40.
Biographie
Aurélien Amet est en deuxième année de thèse de doctorat à la faculté de Lettres de Sorbonne Université sous la direction d’Elise Mignot. Ses travaux de recherche portent sur la création linguistique de la peur dans le discours politique américain du 21ème siècle.
Stéphanie Beligon
Université Savoie Mont Blanc (USMB) (LLSETI (EA 3706)
stephanie.beligon@univ-smb.fr
Les sensations dans The Hours de Michael Cunningham : déplacements et transubstantiation
The Hours entremêle trois récits : celui de Virginia Woolf, alors qu’elle écrit Mrs Dalloway, celui de Laura Brown, lectrice de Mrs Dalloway en 1949, à Los Angeles, et celui de Clarissa Vaughan, qui, dans les années 1990, organise une réception pour son ami Richard. Les déplacements (effectifs, avortés ou métaphoriques) sont au cœur du roman : Clarissa parcourt New York, Laura s’évade d’un quotidien qui l’oppresse par la lecture et Woolf aspire à quitter Richmond pour retrouver l’ivresse de la vie londonienne. Michael Cunningham déplace en outre le style de Woolf (« What a thrill, what a shock » reprend « What a lark! What a plunge! »).
The Hours fait la part belle aux sensations, et le déplacement est l’un des éléments qui les animent : déplacement des sensations elles-mêmes et déplacements induits par les sensations. Ce sera le sujet de cette communication.
Les sensations se déplacent d’un personnage à l’autre, comme les migraines qui passent de Virginia Woolf au poète Richard. Elles prennent la forme d’entités indépendantes : « Pain[’s] […] advance is so forceful […] that she can’t help imagining it as an entity with a life of its own ».
Les sensations déplacent également les personnages en les plaçant à la frontière de ce qu’ils ne devraient pas sentir : Laura fait l’expérience d’une « sensation de non-être » (« a sensation of unbeing »), Virginia Woolf celle d’être « désincarnée », telle une plume : « a feather of perception, unbodied ». Les sensations opèrent même une forme de transsubstantiation en transformant la matière : Richard conceptualise dans une sorte d’oxymore les voix qu’il entend comme des « coalescences of black fire, […] dark and bright at the same time » pourvues d’une matérialité : « There was one that looked a bit like a black, electrified jellyfish ». La lumière est envisagée comme matière (comme un liquide ou une substance « granuleuse »).
Les sensations tactiles sont convoquées dans les baisers qui interfèrent avec le temps : « You kissed me beside a pond. […] It’s still happening » : les sensations passées sont déplacées jusqu’au présent des personnages.
L’étude des répétitions qui relient les sensations des personnages, ainsi que l’analyse des oxymores et hypallages (« bleached brightness ») montrera que les sensations remettent en cause les frontières, déplacent les personnages dans l’espace et le temps, se déplacent : en somme, elles sont déplacement. Par cette translation du roman de Woolf, The Hours met en exergue le non-être qui constitue le sensoriel et prolonge le projet woolfien de mettre en évidence « the body of the complete human being whom we have failed to be, but at the same time, cannot forget » (The Waves).
Becdelièvre, Laura. 2012. Au Creux des heures : De Mrs Dalloway à The Hours. Chatou : Les Editions de la transparence.
Cunningham, Michael. 1999. The Hours. London: Fourth Estate.
Fortin-Tournès, Anne-Laure. 2021. « The Kiss as kairos in The Hours by Michael Cunningham », Polysèmes [En ligne], 26, URL : http://journals.openedition.org/polysemes/9829 ; DOI : https://doi.org/10.4000/polysemes.9829
Haffey, Kate. 2010. “Exquisite Moments and the Temporality of the Kiss in Mrs. Dalloway and The Hours,” Narrative, 18.2, 137-162
Olk, Claudia. 2004. “Vision, Intermediality, and Spectatorship in Mrs. Dalloway and The Hours.” Amerikastudien / American 49.2 : 191-217
Pillière, Linda. 2004. « Michael Cunningham’s The Hours : echoes of Virginia Woolf », Revue LISA/LISA e-journal 2.5 URL : http://journals.openedition.org/lisa/2912 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lisa.2912
Toth, Naomi. 2016. L’Ecriture vive : Woolf, Sarraute, une autre phénoménologie de la perception. Paris : Classiques Garnier.
Woolf, Virginia. 1992 [1931]. The Waves. Penguin Books.
Biographie
Stéphanie Béligon est professeure de linguistique anglaise à l’Université Savoie Mont Blanc (USMB) et membre du LLSETI (EA 3706). Ses recherches portent sur la sémantique lexicale (en particulier sur les champs sémantiques de la perception et des émotions) et la stylistique.
Luc Benoît à La Guillaume
Université de Rouen
lucbenoit2@gmail.com
Les usages de Frontier dans les discours des présidents américains
Aux Etats-Unis, le mot frontier désigne à la fois une réalité historique, la théorisation que Frederick J. Turner a proposée de l’histoire du pays et de nombreuses déclinaisons politiques et culturelles, de la New Frontier du président Kennedy au générique de Star Trek. A partir de la base de données de l’American Presidency Project, cette communication étudiera l’évolution des usages du mot frontier dans les discours des présidents américains.
Biographie
Luc BENOIT A LA GUILLAUME est professeur de civilisation américaine à l’université de Rouen (ERIAC UR 4705). Spécialiste du discours politique américain, il a notamment publié des articles sur la vie politique américaine ainsi qu’un ouvrage, Quand La Maison-Blanche prend la parole. Le discours présidentiel de Nixon à Obama, Berne, Peter Lang, 2012.
Lynn Blin
Paul-Valéry University Montpellier-3
lynn.blin@me.com
Hannah Gadsby’s “Douglas” – or the New Borders of Humorous Intent
The Australian stand-up comedian, Hannah Gadsby gained international fame when Netflix streamed her show, Nanette. Billed as Gadsby’s farewell to comedy, the show was concomitantly well received and critically billed as a form of cringe humor. The term humorous intent (Brock 2016) refers to the communicative consequences of a detection of humorous intent for the recipient. The cringe factor in Nanette stemmed mainly from the fact that the humorous intent was turned on its head in that it is one of the only instances of standup where the recipient – e.g. the whole audience – loses face. This radically modified the standard role of the audience of stand-up routines. (Blin 2023 – to appear). This paper aims to demonstrate how Gadsby further modifies her humorous intent in her second show “Douglas” and thus further modifies the role of the audience and her interaction with them. I will examine the general and varied characteristics of a humor which, ever since Larry David’s Curb your Enthusiasm and later Ricky Gervais and Stephen Merchant’s The Office invites audiences not only to laugh but also to “cringe”- a sensation that stretches from awkwardness, to embarrassment, to downright malaise and shame. I will further demonstrate the dimension of cringe humor that is amongst is most salutary – that of empathy. Through theory of audience reception (Rutter, 1997, Smith, 2009, Brock 2016, Seewoester Cain 2018), my paper will demonstrate how the healing process which Gadsby’s underwent thanks to Nanette manifests itself via an altered presence on stage in Douglas. The audience no longer loses face but is present right from the beginning as partner and remains so through until the end. I will be working with Attardo’s concept of serious relief, and Attardo and Chabanne’s concept of coherence in a humorous text.
Key words: cringe humor, audience response, serious relief, coherence, unlaughter, humorous intent, empathy
Attardo, S. “The Linguistics of Humor an Introduction: References.” The Linguistics of Humor: An Introduction.Oxford, Oxford University Press, 2020, https://doi.org/10.1093/oso/9780198791270.001.0001.
Attardo, S., and J. C. Chabanne “Jokes as a Text Type.” Humor – International Journal of Humor Research, vol.5, no. 1–2, 1992, pp. 165–76. https://doi.org/10.1515/humr.1992.5.1-2.165.
Billig, M. Laughter and Ridicule: Towards a Social Critique of Humour. SAGE Publications Ltd, 2005, https://doi.org/10.4135/9781446211779.
Brock, A. “The Borders of Humorous Intent – The Case of TV Comedies.” Journal of Pragmatics, vol. 95, Apr. 2016, pp. 58–66. https://doi.org/10.1016/j.pragma.2015.12.003.
Brown, P. and S. Levinson. Politeness: Some Universals in Language Usage. Cambridge, Cambridge UniversityPress, 1987.
Carrell, A. “Humor Communities.” The International Journal of Humor Research, vol. 10, no. 1, 1997, pp. 11–24.
Culpepper, J. et al. “Impoliteness Revisited: With Special Reference to Dynamic and Passive Aspects.” Journal of Pragmatics, vol. 35, no. 10–11, 2003, pp. 1545–79.
—. “Towards an Anatomy of Impoliteness.” Journal of Pragmatics, 1996.
Goffman, E. Forms of Talk. Philadelphia, University of Philadelphia Press, 1981.
—. “On Face-Work.” Psychiatry, vol. 18, no. 3, Aug. 1955, pp. 213–31.
https://doi.org/10.1080/00332747.1955.11023008.
Halliday, M. and R. Hasan. Cohesion in English. London, Longman, 1976.
Holcomb. C. “Nodal Humor in Narratives: A Semantic Analysis of Two Stories by Twain and Wodehouse.”Humor, vol. 5, 1992, pp. 233–50.
Lochner, M.A., and R. J. Watts. “Politeness Theory and Relational Work.” Journal of Politeness Research, vol.1, 2005, pp. 9–33.
Seewoester Cain, S. “Teasing as Audience Engagement.” The Dynamics of Interactional Humor, edited by Villy Tsakona and Jan Chovanec, John Benjamins, 2018, pp. 127–52.
Smith, M. “Humor, “Unlaughter, and Boundary Maintenance.” Journal of American Folklore, vol.122. no. 484
Biographie
Lynn Blin is Honorary Associate Professor in Linguistics and Translation at Paul-Valéry University Montpellier-3. She has worked extensively on Alice Munro and Lydia Davis. Her interest in humor dates back to her pre-academic years when she worked as a professional actress in Toronto. Her latest article, “Ridicule and Scorn in David Sedaris’s ‘Standing By’” has just been published in Humour Theory and Stylistic Enquiry (Taiwo Oloruntoba-Oju, ed. Palgrave Macmillan). She is currently co-editing, with Virginia Iché and Célia Schneebeli, a book on cringe humour Cringe Humour on the Screen and Digital Media.
Rémi Digonnet
Université Jean Monnet de Saint-Étienne, ECLLA
Frontières et déplacements métaphoriques en architecture : Delirious New York de Rem Koolhaas (1978)
« Les métaphores incohérentes sont des sondes lancées au-delà des frontières de la pensée cohérente pour explorer un territoire conceptuel inconnu qui est le domaine exclusif de la métaphore et de la création linguistique » (Prandi, 2002 : 16). Le recours à la métaphore pour mieux décrire le processus métaphorique et donc la création linguistique est le signe paradoxal d’un objet d’étude complexe (Prandi, 1992 : 38), puisque nécessitant souvent la métalangue, et pourtant limpide lorsque l’analogie se fait jour. La métaphore spatiale de Prandi qui fait de la métaphore (domaine cible) une sonde exploratrice de l’espace (domaine source) justifie le principe de projection métaphorique autrement nommé mapping (Lakoff et Johnson, 1985), à savoir le recours à un domaine source connu pour alimenter un domaine cible moins connu, et par là même le principe de création métaphorique (Fauconnier et Turner, 1998). Outre la présence attestée d’une frontière entre deux domaines pour que la métaphore fasse mouche, voire d’un déplacement d’un domaine vers un autre, la question de la frontière entre langue et discours mérite d’être soulignée : « On passe insensiblement des catachrèses – véritablement congelées […] – aux métaphores lexicalisées non catachrétiques, puis aux métaphores ‘clichées’, et enfin à celles qui sont totalement ‘vives’, c’est-à-dire inédites : rien n’est plus flou que la frontière qui sépare, pour toute unité lexicale, ses valeurs inscrites en langue, de celles qui surgissent en discours » (Kerbrat-Orecchioni, 1994 : 62).
Ces apports théoriques, qu’ils soient de l’ordre de la reconnaissance d’une métaphore (frontières temporelles) ou de son fonctionnement interne (frontières spatiales), seront utiles pour une analyse métaphorique (Kövecses, 2015) du domaine urbanistique (Digonnet et al., 2024). À partir de l’analyse lexicale (Wmatrix) d’un manifeste d’urbanisme, Delirious New York: A retroactive manifesto for Manhattan de Rem Koolhaas, et par sa mise en contraste avec d’autres manifestes architecturaux comme celui de Le Corbusier par exemple (mouvement métaphorique centrifuge), cette contribution vise à montrer comment le discours de l’architecture cher à Koolhaas véhicule une perception exploratoire de la ville centrée sur le principe de la congestion (mouvement métaphorique centripète). Mécaniciste, organiciste ou naturaliste, chaque veine métaphorique (Resche, 2016) dévoilée témoigne d’un afflux, d’un encombrement, ou d’une condensation (Digonnet, 2022), typiques de la ville de New York mais également de l’urbanisme de l’architecte-urbaniste.
Digonnet, Rémi, Laferrière, Aude, Manen, Pierre (dirs.), Discours croisés sur l’architecture, Bruxelles, Peter Lang, 2024 (à paraître).
Digonnet, Rémi, « Duplicités métaphoriques en architecture : ‘I am business. I am profit and loss. I am beauty come into the hell of the practical. Such is the lament of the skyscraper in its pragmatic camouflage’ (Koolhaas, 1978) », in Pennec Blandine et Bourse Sarah (dirs.), Quand le dire se dédouble. La duplicité énonciative en question(s), Toulouse, Presses Universitaires du Midi, 2022, p. 47-63.
Fauconnier, Gilles, Turner, Mark, « Conceptual integration networks », Cognitive Science, 22, 1998, p. 133-187.
Kerbrat-Orecchioni, Catherine, « Rhétorique et pragmatique : les figures revisitées », in Landheer Ronald (dir.), Les figures de rhétorique et leur actualité en linguistique, Paris, ‘Langue française n°101’, Larousse, 1994, p. 57-71.
Kövecses, Zoltan, Where metaphors come from, Oxford, OUP, 2015.
Lakoff, George, Johnson Mark, Les métaphores dans la vie quotidienne, Paris, Minuit, 1985.
Prandi, Michele, Grammaire philosophique des tropes, Paris, ‘Propositions’, Minuit, 1992.
—, « Grammaire philosophique de la métaphore », in Charbonnel Nanine et Kleiber Georges (dir.), La métaphore entre philosophie et rhétorique, Paris, ‘linguistique nouvelle’, Presses Universitaires de France, 1999, p. 184-206.
—, « La métaphore : de la définition à la typologie », in Balibar-Mrabti Antoinette et Conenna Mirella (dir.), Nouvelles approches de la métaphore, Paris, ‘Langue française n°134’, Larousse, 2002, p. 6-20.
Resche, Catherine, « Termes métaphoriques et métaphores constitutives de la théorie dans le domaine de l’économie : de la nécessité d’une veille métaphorique », Langue française, 189, 2016, p. 103-116.
Biographie
Rémi Digonnet est maître de conférences en linguistique anglaise à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne. Ses recherches, centrées sur l’analyse du discours et les divers procédés lexicogéniques, concernent le domaine sensible. Il est l’auteur de Métaphore et olfaction : une approche cognitive (Honoré Champion, 2016) et co-directeur d’ouvrages : Discours croisés sur l’architecture (Peter Lang, 2024), Manifestations sensorielles des urbanités contemporaines (Peter Lang, 2020).
Florence Floquet
Université Paul Valéry – Montpellier 3
florence.s.floquet@gmail.com
Le monologue intérieur autonome : un discours immédiat à part ?
Dans cette communication, je propose d’explorer le discours immédiat lorsqu’il est utilisé dans des romans visant à donner accès à la pensée verbale d’un personnage en direct, c’est-à-dire sans passer par le filtre d’un narrateur et sans faire usage des techniques du discours rapporté (qu’il soit direct, indirect ou indirect libre). Le personnage est alors énonciateur primaire mais est-il pour autant narrateur ? Booth affirme : “any sustained inside view, of whatever depth, temporarily turns the character whose mind is shown into a narrator” (1961, 164). Cependant, n’y a-t-il pas une différence entre les deux, que le lecteur perçoit intuitivement ? Partant, où se situe la frontière entre les deux instances, le discours narratorial faisant également usage de la même technique de discours ? Quels éléments permettent de tracer une ligne de démarcation ? La différence réside-t-elle seulement dans le contenu ou est-il possible d’identifier des marqueurs qui témoigneraient d’une fonction différente ?
BOOTH, Wayne. 1961. Rhetoric of Fiction. Chicago: University of Chicago Press.
COHN, Dorrit. 1978. Transparent Minds: Narrative Modes for Presenting Consciousness in Fiction. Princeton University Press.
FLUDERNIK, Monika. 1993. The Fictions of Language and the Languages of Fiction: The Linguistic Representation of Speech and Consciousness. London and New York: Routledge.
HAMBURGER, Käte. [1977] 1986. Logique des genres littéraires. Trad. Pierre Cadiot. Paris: Les Éditions du Seuil.
Biographie
Florence Floquet est maîtresse de conférences à l’université Paul Valéry – Montpellier 3. Ses travaux portent sur la représentation de la pensée en littérature romanesque anglophone, et plus précisément sur la représentation du monologue intérieur.
Craig Hamilton
Université de Haute Alsace (ILLE)
craig.hamilton@uha.fr
Sentence transformations: on the frontiers of stylistics and language testing
Language testing is incredibly complex (Fulcher & Davidson 2017), but it nevertheless involves stylistics. For example, to test English skills, Cambridge ESOL often divides exams into four ‘papers’: writing, listening, speaking, and reading and use of English. For its B2, C1, and C2 exams, part 4 of the reading and use of English paper is key word transformations, where “Each question consists of a sentence followed by a ‘key’ word and a second sentence with a gap in the middle” (Cambridge). Students “have to use this key word to complete the second sentence so that it has a similar meaning to the first sentence” (Cambridge). Part 4 has six items, worth up to two points each, which aim to test students’ knowledge of English grammar, vocabulary, and collocations. The ‘transformations’ are a limited production task: students ‘write’ new sentences by filling gaps while using just a few words including the unchanged key word. Yet this may contradict a tenet of stylistics since changing forms changes meanings. While learning how to say the same thing in various ways was central to Erasmus’ De Copia (1512), comparing similar sentences still reveals the effects of style in action. Key word transformations are thus where language testing meets stylistics. Yet how good are our students at this? Are the original sentences and official answers always equal in meaning? I address these questions in this short presentation on 20 items from official past papers that my students at UHA completed. As I explain, contexts can constrain choices (Jeffries & McIntyre 2010), especially in language testing.
Cambridge English. “B2 First exam format.” Cambridge English. URL: https://www.cambridgeenglish.org/exams-and-tests/first/exam-format/ . Accessed 19 Nov 2023.
Erasmus. On Copia of Words and Ideas. 1512. Trans. Donald King and David Rix. Marquette University Press, 1999.
Fulcher, Glenn and Fred Davidson, eds. The Routledge Handbook of Language Testing, 2017, Routledge.
Jeffries, Lesley and Dan McIntyre. Stylistics, 2010, Cambridge University Press.
Biographie
Craig Hamilton est Professeur des universités en linguistique anglaise à l’Université de Haute-Alsace. Il a enseigné à l’Université de Maryland, à l’Université de Californie (Irvine), à l’Université de Nottingham, et à l’Université de Paris 8 avant de venir à Mulhouse en 2006, où il donne des cours sur la linguistique, la stylistique, et l’expression écrite. Il a publié une soixantaine d’articles ou chapitres d’ouvrages depuis 1998. En 2014, il a contribué à la 3e édition de Persuading People : An Introduction to Rhetoric (Palgrave Macmillan). En 2024, il a également contribué à la 6e édition de Grammaire Explicative de l’Anglais niveau C1/C2 (Pearson). Il est membre de la Société de Stylistique Anglaise depuis 2002.
Grégoire Lacaze
Aix-Marseille Université
LERMA, gregoire.lacaze@univ-amu.fr
Polarisation des discours numériques dans la campagne présidentielle américaine : We vs. they, une frontière linguistique et idéologique
La profusion de discours politiques alimentant la campagne présidentielle américaine au cours des primaires donne lieu à des crispations et des replis identitaires, culturels et religieux de la part des militants des deux principaux partis (démocrates et républicains) pour lesquels la prochaine élection présidentielle de 2024 s’apparente à une question d’enjeu civilisationnel.
Les occurrences de discours agonal prolifèrent et circulent sur les réseaux socionumériques (RSN) et prennent aussi la forme de « discours de haine » contre lesquels les plateformes technologiques doivent prendre des mesures nécessaires depuis l’entrée en vigueur du Digital Services Act en août 2023.
Cette étude se propose de voir comment les questions identitaires cristallisent dans les discours populistes qui stigmatisent toute pensée contradictoire. L’analyse de la langue utilisée par les responsables politiques républicains va permettre de mettre en évidence des frontières créant un intérieur (entre-soi) et un extérieur menaçant et dangereux (les « socialistes », les migrants, les associations LGBTQIA+…).
L’étude stylistique et linguistique s’attachera à montrer comment la langue peut participer du rejet métaphorique de l’autre en dehors du soi (au niveau langagier) mais aussi contribuer à un rejet physique (par une exclusion au-delà des frontières géographiques). Il s’agira d’envisager comment les discours politiques alternent des frontières idéologiques aux frontières physiques. Ces recherches vont s’attacher à montrer comment le langage utilisé peut redessiner ces frontières, lorsqu’il est un langage d’exclusion plutôt que d’inclusion.
BENOIT À LA GUILLAUME, Luc. 2021. « Le président Trump face à la renaissance du genre épidictique ». Études de Stylistique Anglaise 16. https://journals.openedition.org/esa/4791, consulté le 4 novembre 2023.
CHARAUDEAU, Patrick. 2005. Le discours politique : les masques du pouvoir. Paris : Vuibert.
GARDELLE, Laure et Sandrine SORLIN. The Pragmatics of Personal Pronouns. Amsterdam: John Benjamins, 2015.
MACAULAY, Marcia. 2023. Populism and Populist Discourse in North America. Cham: Palgrave Macmillan.
MAINGUENEAU, Dominique. « Le discours politique et son « environnement » ». Mots. Les langages du politique 94. 85-90.
MORENO BARRENECHE, Sebastián. 2023. The Social Semiotics of Populism. London: Bloomsbury.
Biographie
Spécialiste du discours rapporté, Grégoire Lacaze est Maître de conférences HDR en linguistique anglaise à Aix-Marseille Université et chercheur invité à la Maison Française d’Oxford. Ses recherches sur l’expression de la subjectivité dans le discours direct portent sur la linguistique, la stylistique, la sémantique et l’analyse du discours dans une approche contrastive anglais-français. Ses analyses exploitent divers corpus (presse, fiction et réseaux sociaux).
Mireille Ozoux
Aix-Marseille Université (LERMA/Laboratoire d’Études et de Recherche sur le Monde Anglophone)
mireille.ozoux@univ-amu.fr
La langue de l’(anti)utopie dans Gulliver’s Travels, de Jonathan Swift : Les frontières du genre utopique en question
Gulliver’s Travels, le chef-d’œuvre de Jonathan Swift paru en 1726, s’inscrit dans la tradition littéraire du récit de voyages. Le genre, par essence, et à un premier niveau de lecture, est à l’évidence affaire de frontières géographiques et ethnologiques : repousser les frontières du monde connu à la découverte d’autres contrées et d’autres cultures constitue en effet la raison d’être des voyages d’exploration et des récits qui entreprennent de les relater (qu’ils soient réels ou fictifs). En sa qualité de narrateur « homodiégétique » (Genette 1972), Gulliver endosse très sérieusement le rôle de « passeur », offrant à ses lecteurs une voie d’accès à de nouveaux mondes, en tâchant de faire s’estomper les frontières entre le même (l’Angleterre de ses lecteurs) et l’autre (les contrées visitées au cours de ses quatre voyages : Lilliput, Brobdingnag, Laputa, Balnibarbi et autres îles du 3e voyage, et enfin Houyhnhnmland).
Le genre du récit de voyage ne constitue néanmoins que la forme d’accueil (« the wire frame », Womersley 2012) de Gulliver’s Travels : la critique swiftienne a depuis longtemps fait ressortir la nature « inclassable » du récit et son instabilité générique (en d’autres termes, le caractère éminemment poreux de ses frontières génériques) et c’est justement la question du genre littéraire qui servira de fil rouge dans cette présentation. Dans un ouvrage qui a fait date (Smith 1990), le récit est tour à tour étudié en rapport avec la satire, le roman picaresque, la science-fiction, le « novel », ou encore la littérature enfantine. Je souhaiterais pour ma part en proposer ici une lecture au prisme du genre utopique. Décrit par les théoriciens comme un generum mixtum, l’utopie est un genre lui-même caractérisé par « l’ouverture transgénérique et la disponibilité syncrétique » (Braga 2018). L’ombre de l’Utopia de Thomas More plane sur le récit des Voyages, de part en part : Swift est ainsi « interpellé » par une longue tradition littéraire, que le récit de 1516 a très largement contribué à instaurer. Inspirée par les travaux de Jean-Jacques Lecercle sur l’interpellation et la contre-interpellation (Lecercle 2019 et 2023), je souhaiterais montrer la manière dont Swift « contre-interpelle » néanmoins le genre utopique. Il s’agira de faire ressortir les caractéristiques stylistiques saillantes qui viennent brouiller les frontières du genre : une étude de la langue dans le récit (diégèse) et du récit (procédés stylistiques) tâchera d’appréhender la manière dont Swift procède « de l’intérieur » à une analyse critique des fondements de la pensée utopique et du genre littéraire qui l’incarne—faisant ainsi entrer son récit dans le territoire de l’antiutopie.
BRAGA Corin, Les antiutopies classiques, Paris, Classiques Garnier, Lire le XVIIe siècle, n ̊ 2, 2012.
BRAGA Corin, Pour une morphologie du genre utopique, Paris, Classiques Garnier, Lire le XVIIesiècle, n ̊ 3, 2018.
CLAEYS Gregory (dir.), The Cambridge Companion to Utopian Literature, Cambridge, Cambridge
University Press, Cambridge Companions to Literature, 2010.
GENETTE Gérard, Figures III, Paris, Éditions du Seuil, Poétique, 1972.
HOUSTON Chlöe, « Utopia, Dystopia or Anti-utopia ? Gulliver’s Travels and the Utopian Mode of Discourse », Utopian Studies, 2007, vol. 18, no 3, pp. 425-442.
LECERCLE Jean-Jacques, De l’interpellation : sujet, langue, idéologie, Paris, Éditions Amsterdam, 2019.
LECERCLE Jean-Jacques et DE MATTIA-VIVIÈS Monique Postfacier, Système et style : une
linguistique alternative, Paris, France, Éditions Amsterdam, 2023.
LECERCLE Jean-Jacques, « Utopie et langage », https://core.ac.uk/reader/287251690
SMITH Frederik N. (dir.), The Genres of Gulliver’s Travels, Newark (Del.), University of Delaware Press, 1990.
SWIFT Jonathan, Gulliver’s Travels, David WOMERSLEY (dir.), Cambridge, Cambridge University Press, The Cambridge Edition of the Works of Jonathan Swift, n ̊ 16, 2012.
Biographie
Mireille Ozoux est maître de conférences à Aix-Marseille Université (LERMA/Laboratoire d’Études et de Recherche sur le Monde Anglophone) depuis le 1er septembre 2023. Son domaine de recherche associe langue et littérature britannique du XVIIIe siècle. Elle est l’auteur d’une thèse intitulée « Jonathan Swift et la question de la langue : de la politique linguistique à la linguistique-fiction » (soutenue le 03/12/2021. Directeur : Jean Viviès, LERMA). Son article le plus récent est une contribution à Letters to Swift, recueil de lettres fictionnelles adressées à Jonathan Swift, coédité par Jean Viviès et Ruth Menzies et paru en 2021 dans E-rea (https://journals.openedition.org/erea/12480). Un ouvrage tiré de la thèse est paru aux éditions Honoré Champion en septembre 2023 : Jonathan Swift linguiste. La norme et le jeu.
https://www.honorechampion.com/fr/editions-honore-champion/12973-book-08536006-
Laurent Rouveyrol
Sorbonne Nouvelle
laurent.rouveyrol@sorbonne-nouvelle.fr
L’analyse de discours en tant que passerelle entre linguistique et didactique ? Exploration d’un déplacement de frontières à partir d’une « LOgométrie à VIsée Didactique » (LOVID).
Cette communication a pour but de montrer comment l’analyse de discours (AD) peut amener un certain nombre de déplacements de frontières entre disciplines et/ou perspectives analytiques, et peut notamment tendre à rapprocher linguistique et didactique dans un rapport qui n’est pas nécessairement fondé sur le schéma théorie-application. Bien au contraire, nous proposons d’inverser ce rapport.
Aujourd’hui, les construits de ce que l’on appelle les « tests de langues », dont le CLES est un très bon exemple, se rapprochent de façon assez heureuse du construit du langage, en privilégiant une conception interactionnelle et scénarisée. On demande par exemple aux candidats de défendre un point de vue lors d’un débat, d’une interaction argumentée. Nous sommes d’avis que les linguistes et / mais aussi enseignants que nous sommes, doivent se demander quelle perspective doit être adoptée pour favoriser l’acquisition de compétences discursives et notamment des stratégies argumentatives. C’est naturellement pour répondre à cette interrogation qu’intervient l’analyse de discours dans le cadre de ce que nous appellerons une « logométrie à visée didactique ».
Le point de départ sera que l’AD impose de fait des re-catégorisations conceptuelles sur certains domaines linguistiques suivant les genres de discours analysés. Il est par exemple consensuellement admis que le domaine de la modalité renvoie à l’expression d’une subjectivité énonciative, avec une superposition des concepts de modalité et de subjectivité (Douai, 2003) dans les conceptions énonciatives qui tentent de dépasser la dichotomie modal-non modal. Les auteurs parlent de « degré d’engagement », privilégiant alors une dynamique graduelle (Gilbert, 2003) qui peut s’étendre jusqu’au domaine nominal (Lapaire et Rotgé, 1993). La question se pose de savoir comment cette conception peut être investie ou élargie pour analyser certains genres de discours et notamment les débats politiques télévisés dont la raison d’être est de médiatiser les opinions des différents invités présents sur le plateau. Est-il possible de considérer dans un tel cadre que certains énoncés ne soient pas « modaux » ou bien ne renvoient pas à une « subjectivité énonciative » ? Quelle conception adopter alors pour analyser ce genre de discours ? Nous tenterons de répondre à cette question en tentant de proposer une modélisation adaptée à et pour l’objet, à partir de la notion de « stance » (Biber et al., 1999).
Nous nous concentrerons sur une analyse pluridimensionnelle, qualitative quantifiée de certains marqueurs en prenant en compte des phénomènes pragmatico-énonciatifs aussi bien que génériques, notamment à partir de la théorie séquentielle développée par Adam (1992, 2017). Les concepts de « mise en scène énonciative » et de « modulation » seront également sollicités (Vion,1998a et b) pour parvenir à une conception holistique de la modalité.
Suivant cette perspective, il apparaît entre autres que CAN, est prototypique du genre de discours étudié et « incarne » le débat télévisé en tant qu’auxiliaire de médiation (Rouveyrol 2011) au sein des schémas argumentatifs complexes. De même, dans la perspective de la LOVID, les énoncés produits par les modérateurs de débat sont à considérer précisément dans leurs fonctions de gestion de l’espace interactif (Rouveyrol 2021). Enfin, et plus généralement, nous sommes d’avis que les positionnements intersubjectifs sont particulièrement intéressants à observer, modéliser et intégrer, dans le cadre de l’acquisition de stratégies de gestion des débats.
Adam, J.M. (1992) Les textes : types et prototypes. Paris : Nathan
Adam J.M. (2017) Les textes : types et prototypes (4ème ed.). Paris : Armand Colin
Douai, C. (2003), « Des modalités d’interlocution au système des modaux », Corela 1.1. (https://doi.org/10.4000/corela.636).
Gilbert, E. (2001) « Vers une analyse unitaire des modalités », in Cahiers de Recherche en Grammaire Anglaise, T.8 Modalité et opérations énonciatives, Paris, Gap, Ophrys. 23-99
Lapaire, J-R., Rotgé, W. (1991) Linguistique et grammaire de l’anglais. Toulouse : Presses Universitaires du Mirail.
Lapaire, J.-M. et Rotgé, W.(1993) Séminaire pratique de linguistique anglaise, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail.
Rouveyrol, L. (2021) L’analyse de discours au service de la certification en langues : questionner, débattre en situation contrôlée. Vers une LOgométrie à VIsée Didactique, LOVID. Monographie inédite d’HDR, garant M. J-R Lapaire.
Vion, R. (1998a) La mise en scène énonciative du discours. In B. Caron (ed), Proceedings of the 16th international Congress of Linguists, [CD-ROM].Oxford : Elsevier Sciences.
Vion, R (1998b) De l’instabilité des positionnements énonciatifs dans le discours. In J. Verschueren (ed), Pragmatics in 1998: Selected papers from the 6th international conference, Vol 2. Antwerp: International pragmatics association, p.577-589.
Biographie
Laurent Rouveyrol est Professeur des Universités en linguistique anglaise et appliquée à la Sorbonne Nouvelle. Il assure conjointement la direction de l’équipe des linguistes anglicistes SeSyLIA (Semantics, syntax and Language In Action), au sein de l’EA 4398 PRISMES et du Centre de Ressources en Langues expérimental de l’USN. Ses travaux récents concernent principalement le lien entre d’une part l’analyse des débats politiques télévisés et l’évaluation des compétences en interaction verbale (CLES), d’autre part. Il est également expert au Conseil de l’Europe pour les Langues Vivantes, (CELV / ECML) et membre du Projet VITbox.
Junhao Zhao
Université du Mans
Junhao.Zhao.Etu@univ-lemans.fr
Le Nomadisme stylistique : la Dissolution des Frontières dans Lolita de Vladimir Nabokov
Dans l’analyse géographique, les cartographies dépendent fréquemment de la délimitation de zones et de frontières. Dans Lolita de Nabokov, cette approche révèle la possibilité de créer au moins trois cartes distinctes :
Carte des genres : La préface, le corps et la postface de Lolita délimitent le texte selon trois genres majeurs : une étude de cas psychiatrique[1], des mémoires ou une confession de H.H, et un roman de fiction façonné par un auteur littéraire[2]. À l’intérieur du texte, l’œuvre peut également être appréhendée comme participant de différents genres tels qu’une preuve documentaire présentée en tribunal[3], un récit de voyage[4], une romance, un roman policier[5] et un roman de vagabondage.
Carte des langues : Les textes de Lolita incluent des langues aussi différentes que l’anglais, le français et le latin.
Carte des thématiques : Les principales séquences narratives sur Annabel au bord de la mer, sur Lolita, et sur la recherche de Quilty révèlent trois thèmes narratifs majeurs : la perte ou le traumatisme, l’amour et la vengeance.
Dans chaque carte, il apparaît qu’il est en mesure de discerner les diverses zones, mais la détection des frontières entre ces zones s’avère ardue, voire impossible, car celles-ci semblent à peine les a-t-on définies. Du point de vue du genre, la catégorisation de Lolita n’affecte guère la cohérence et la logique intrinsèques à son récit. En ce qui concerne la langue, l’application sélective du français et du latin apparaît comme imprévisible, mais n’exerce aucune influence significative sur la compréhension des lecteurs monolingues de l’anglais. Sur le plan thématique, les transitions ne semblent pas abruptes, créant une continuité fluide. Les frontières, loin d’être simplement invisibles, semblent être totalement absentes. Non seulement les diverses zones ne sont pas distinctement séparées, mais elles sont capables de se superposer et même de se chevaucher. Comment Nabokov a réussi à créer cet ensemble textuel caractérisé par des zones reconnaissables mais aussi des frontières évanescentes demeure une question fascinante.
Cette particularité peut s’expliquer par la conceptualisation des « genres » selon Derrida. Pour lui, « un texte ne saurait appartenir à aucun genre. Tout texte participe d’un ou plusieurs genres, il n’y aurait pas de texte sans genre, il y a toujours du genre et des genres, mais cette participation n’est pas une appartenance »[6]. Dans Lolita, Nabokov a conçu son texte pour participer à une diversité de genres de manière parodique. Humbert, le criminel, commet un crime contre Lolita tout en faisant une confession. Il poursuit Quilty comme un détective, non parce que ce dernier a commis un crime, mais dans l’intention d’en commettre un lui-même (un renversement du roman policier ? Un roman criminel ?) La scène de vengeance prévue prend une tournure burlesque à travers les facéties de Quilty. La parodie permet la reconnaissance d’un genre au sein du texte tout en déconstruisant la représentation originelle de ce genre. A la suite de Gilles Deleuze et Félix Guattari, nous qualifions ce phénomène de « nomadisme » textuel, nous qualifions ce phénomène de « nomadisme textuel ». À la manière des nomades qui traversent les frontières, l’intégration se réalise de manière perturbatrice, altérant l’ordre et la disposition préétablis de la civilisation. Nabokov utilise également la fusion d’éléments multiples en participant d’abord à un genre/langue/thème pour ensuite le déconstruire de l’intérieur.
Dans cette communication, notre analyse se focalisera sur le phénomène du « nomadisme textuel » chez Nabokov, en mettant particulièrement en lumière la parodie en tant qu’outil central dans Lolita. Nous examinerons plus précisément ses multiples thèmes, dépourvus de métaphores croisées internes, son utilisation du multilinguisme dénuée d’effets réels, ainsi que son entrelacement de genres dans le texte, qui aboutit à la dissolution des frontières internes. Notre évaluation portera sur les effets produits par cette esthétique particulière et sur les innovations stylistiques mises en œuvre par Nabokov qui soutiennent cette esthétique.
DELEUZE, Gilles. Capitalisme et schizophrénie 2 : Milles plateaux. Paris : Éditions de Minuit, 1980.
DERRIDA, Jacques. « La loi du genre », Parages. Paris: Galilée, 1986.
HAMRIT, Jacqueline. « Lolita à l’épreuve de la théorie des genres littéraires », Roman de Vladimir Nabokov (1955) et film de Stanley Kubrick (1962). Paris : Ellipses édition, 2009.
NABOKOV, Vladmir. The Annotated Lolita. London : Penguin books, 1980.
Biographie
Junhao ZHAO est actuellement en troisième année de doctorat en littérature anglaise à l’Université du Mans. Sous la direction de Mme. Anne-Laure FORTIN-TOURNES, elle se consacre à l’étude des romans transgressifs de Nabokov, en explorant le concept lacanien de « jouissance ». Son travail de recherche a été présenté aux Doctoriales de SAES 2023, où elle abordé le thème « Transmission de l’indicibilité dans l’œuvre de Conrad et de Nabokov ».
La préface a été rédigée par le Dr. John Ray Jr., un expert en psychanalyse inventé par Nabokov. ↑
La postface, intitulée « On a book entitled Lolita », prétend avoir été écrite par Nabokov lui-même. ↑
Humbert, le narrateur, relate l’expérience et la justifie. ↑
Les deux voyages d’Humbert à travers les États-Unis avec Lolita constituent l’une des trames narratives centrales du roman. Humbert recourt à de multiples passages en prose pour dépeindre les paysages et relater les rencontres qu’il fait en cours de route. ↑
Après avoir perdu Lolita, Humbert traque Quilty comme un détective. ↑
DERRIDA, Jacques. « La loi du genre », dans Parages. Paris: Galilée, 1986, p. 264. ↑