Atelier 11 : SAIT (Société Angliciste – Arts, Images, Textes)
Responsables de l’atelier
Sophie Aymes
Université de Bourgogne
sophie.aymes@ubourgogne.fr
Nathalie Collé
Université de Lorraine
nathalie.colle@univ-lorraine.fr
Sophie Aymes
Université de Bourgogne Franche-Comté
Sophie.Stokes-Aymes@u-bourgogne.fr
Intermédialité, littoral et écotone dans A Land, de Jacquetta-Hawkes (1951), illustré par Henry Moore
Publié en 1951 chez Cresset Press, A Land propose une histoire géologique et archéologique de la Grande-Bretagne. Ce texte de l’archéologue Jacquetta Hawkes (1910-1996), à la fois scientifique et poétique, offre une plongée dans le lointain passé de la formation de l’archipel britannique et irlandais, qui hérite des récits géologiques victoriens, ici retravaillés par l’imaginaire moderniste de la gestation des formes. Il s’agit aussi d’un récit archéologique qui retrace les mouvements migratoires qui ont peuplé l’archipel. L’ouvrage est illustré de dessins d’Henry Moore et de Ben Nicholson, ainsi que de nombreuses planches du photographe portraitiste Walter Bird.
Ce livre sera appréhendé selon deux perspectives : tout d’abord, il s’agira de montrer en quoi la formation géologique repose sur la vision d’un médium métamorphique, ce qui remet en jeu la question classique des « limites » du médium moderniste. D’autre part, l’analyse reposera sur la notion d’écotone appliquée au littoral insulaire, telle qu’elle est définie par John R. Gillis. À la fois bordure (edge) et marge (margin), selon sa terminologie, le littoral est un espace de séparation et d’ouverture, de délimitation et de mutation, la ligne de côte étant à la fois imperméable et poreuse.
La frontière est ici de triple nature : insulaire, intersémiotique et générique. L’intermédialité y est tout d’abord géologique et insulaire puisque l’écotone est une figure propre à l’environnement biologique et physique. Cette notion fait ici l’objet d’un transfert de concept puisqu’il est mobilisé comme figure de l’entre-deux intermédial, ce qui sera appliqué à l’étude du rapport entre le texte et ses illustrations. Enfin, c’est l’ouvrage lui-même qui est de nature hybride. Combinant différentes échelles temporelles et spatiales, le texte de Hawkes mêle objectivité scientifique et autobiographie, description méthodique et considérations psychanalytiques. Il échappe à une catégorisation stable et peut être lu comme une œuvre du modernisme tardif, contemporaine du Festival of Britain, mais aussi anachronique en ce qu’elle élude les transformations contemporaines de la société britannique.
Biographie
Sophie Aymes est maîtresse de conférences HDR à l’Université de Bourgogne (Dijon) où elle enseigne la littérature et les arts visuels britanniques. Ses recherches portent sur l’intermédialité, l’histoire du livre moderniste et l’illustration en Grande Bretagne dans la première moitié du 20ème siècle. Elle est co-fondatrice du réseau Illustr4tio spécialisé dans les études sur l’illustration et Secrétaire de l’association IAWIS. Ses prochaines publications incluent l’ouvrage Illustration and Adaptation: New Cartographies, co-dirigé avec Shannon Wells-Lassagne (Palgrave), et la monographie Modernist Mediascapes: Illustration, Print Culture, and the Matter of Books.
Marie-Odile Bernez
Université de Bourgogne Franche-Comté
Marie-Odile.Bernez@u-bourgogne.fr
Approaching Thomas Clarkson’s map of human rivers
In the first volume of his accounts of the anti-slave trade campaign, The History of the Rise, Progress and Accomplishment of the Abolition of the Slave Trade (1808), Thomas Clarkson had a map drawn, representing the four groups of abolitionists as different rivers flowing down the page towards a possible estuary. This map was intended as a visual aid to “comprehend the whole of it [the abolitionist movement] at a single view”. Far from being complete, and particularly inadequate since it excluded Africa and former slaves, as pointed out by Marcus Wood (Blind Memory: Visual Representations of Slavery, Routledge, 2000 and The Poetry of Slavery, OUP, 2004), it is nevertheless remarkable as a vivid timeline, mixing spatial and temporal information. The aim of this paper is to place this representation in the context of the period, in which timelines were particularly fashionable (Anthony Grafton and Daniel Rosenberg, Cartographies of Time, A History of the Timeline, Princeton Architectural Press, 2010) and a new understanding of geology called for more maps and exploration of river courses.
Biographie
Marie-Odile Bernez est maître de conférences à l’université de Bourgogne-Franche-Comté et membre du centre de recherches Interlangues de l’UFR langues et communication de cette université. Elle est spécialiste de la Grande-Bretagne au dix-huitième siècle, avec un intérêt particulier pour l’histoire des idées et des sciences. Rédactrice en chef de la revue Interfaces, elle a consacré plusieurs travaux à Mary Wollstonecraft, à l’illustration dans les sciences et a publié divers articles sur l’histoire des idées.
Jean-Louis Claret
Université Aix-Marseille
jeanlouisclaret@orange.fr
Les territoires du mot et de l’image
« Les mots ne sont pas des images » disait Jean-Paul Sartre en 1940. « Les mots sont des images » lui répond aujourd’hui Jacques Rancière qui affirme ainsi qu’ils ont franchi une frontière jugée infranchissable par son prédécesseur et se sont engagés victorieux sur le territoire de l’image. Mais la frontière en question est une construction récente que la peinture de la Renaissance semble avoir longtemps niée. En effet, les compositions de Jan van Eyck, par exemple, attestent une sorte de gémellité entre mot et image que le peintre flamand a utilisés alternativement pour ‘signer’ ses œuvres. Les Ambassadeurs de Holbein a aussi brouillé les pistes en incluant une signature visuelle et sonore. Les incursions du mot dans l’image et de l’image dans le mot sont attestées dans de nombreuses œuvres qui nient les frontières entre ces deux modalités : la célèbre Melancolia de Dürer amène cette déterritorialisation à un point ultime puisqu’elle donne à l’image un caractère quasiment phonétique. Plus près de notre époque, L’Image de Samuel Beckett (1988) peut être considérée comme la manifestation tardive et inversée de ce type d’enjambements dont cette communication se propose de présenter une courte cartographie. Pourtant les frontières existent et Roland Barthes ou Jean Starobisnki en ont dessiné les lignes saillantes dont les calligrammes, créatures hybrides, se sont joués encore récemment. Mais lorsque le mot-caméléon emprunte les atours de l’image ou que l’image se déguise en mot, ne faut-il pas voir dans cette transgression la résurgence d’une poesis première qui nie justement la notion de frontière ?
Biographie
Jean-Louis Claret est maître de conférences HDR à Aix-Marseille Université où il enseigne le théâtre de Shakespeare. Son dernier ouvrage, Illustre Shakespeare, est consacré à ses recherches sur les rapports entre mots et images et à son travail d’illustrateur spécialisé dans la représentation des personnages du dramaturge élisabéthain.
Nathalie Colin-Vapaille
Sorbonne Université
nathalie.colin-vapaille@sorbonne-universite.fr
Frontières et déplacements entre commerce et art dans le cadre des collaborations artistiques en parfum : cas de marques et artistes plasticiens du monde anglophone
Sur fond d’esthétisation de la consommation typique de la postmodernité (Lyotard, Baudrillard, Featherstone, Firat et Venkatesh) et de l’hypermodernité (Lipovetsky), facilitées par l’abolition des hiérarchies, le décloisonnement et la « dé-différenciation » (Lash, Featherstone), les alliances entre marques et artistes se sont multipliées, surtout à partir des années 2000, permettant à des entités commerciales d’opérer un glissement vers l’univers culturel : un phénomène qui a pu être rattaché au « capitalisme esthétique » (Assouly) ou « capitalisme artiste » (Lipovetsky et Serroy). Des croisements fertiles potentiels entre art et marque ont ainsi été établis du point de vue du marketing (Schroeder), encourageant une telle « infusion d’art » (Hagdvedt et Patrick).
Le parfum n’a pas échappé à cette tendance, qui lui correspond doublement. Tout d’abord, la fragrance est dépendante d’un contenant, qui permet son transport et sa représentation dans les médias, et a fait l’objet d’un traitement esthétique depuis l’Antiquité. Les flacons en porcelaine créés par les manufactures de Bristol, Chelsea, Derby ou Wedgwood, prouesses d’inventivité et de technicité, ou encore l’invention du cristal au XVIIe siècle par adjonction de plomb dans la formule du verre (flint glass), attestent du dynamisme de l’Angleterre dans ce domaine. Les flacons en pâte de verre conçus par Emile Gallé ou la maison Daum, fleurons de l’Art Nouveau, témoignent quant à eux de la vitalité de l’Ecole de Nancy.
Une deuxième raison qui justifie le rapprochement entre marques de parfum et artistes est le statut artistique controversé des créations olfactives. En effet, malgré la valence artistique réelle des beaux parfums, le législateur, considérant qu’ils procèdent « de la simple exécution d’un savoir-faire » et ne sont pas des « œuvres de l’esprit », ne leur reconnaît toujours pas officiellement le statut d’œuvres d’art. Les collaborations entre marques de parfum et artistes permettent en quelque sorte une artification par synecdoque du parfum (Colin-Vapaille).
Qu’est-ce qui se joue dans ces déplacements du commerce vers l’art ? C’est ce que nous analysons ici, à travers des cas de coopérations entre marques de parfum du monde anglophone et créateurs de même nationalité, mais aussi de regards croisés entre une marque française et un artiste américain, Chanel (N°5) et Andy Warhol, le maître du Pop Art qui brouillait résolument les frontières entre commerce et art en affirmant « good business is the best art. »
Biographie
Professeure agrégée d’anglais dans l’UFR de LEA à Sorbonne Université, Docteure en Commerce International de Sorbonne Université, membre du laboratoire HDEA de Sorbonne Université, Nathalie Colin-Vapaille est l’auteure d’une thèse sur les enjeux des collaborations artistiques pour la créativité et l’esthétique de marque sur le marché international de la parfumerie, soutenue en 2022. Ses spécialités sont la culture visuelle des pays anglophones, la communication, l’artification et la médiatisation et du parfum, les liens entre art et industrie et le marketing du luxe. S’appuyant sur son double parcours (15 ans en tant que responsable du marketing international dans le secteur de la parfumerie, dont 10 ans en tant que Directrice du Marketing International – L’Oréal division Luxe, Nina Ricci, Shiseido, Kanebo), elle établit des passerelles entre la recherche académique et le monde socio-économique autour des problématiques d’innovation.
Céline Cregut
Le Mans Université
c.cregut@gmail.com, celine.cregut.etu@univ-lemans.f
Illustrer et adapter l’effroi cosmique : le cas de The House on the Borderlands
Le court roman The House on the Borderlands (1908) de William Hope Hodgson confronte effroi cosmique et tropes gothiques. Entre récits imbriqués, figurations de seuils divers, et distorsion du temps et de l’espace, The House on the Borderlands est bâti sur le thème du déplacement et du passage. Les divers franchissements de seuils au sein du récit ouvrent en effet sur autant de figurations de l’effroi cosmique, entre immensité et grandiosité. Ces seuils, mis en texte suivant les tropes gothiques de la ruine, du tunnel, et de la présence monstrueuse, offrent un contraste saisissant avec les diverses écritures de l’effroi cosmique qui suivent leur franchissement. Le déplacement physique, psychique et temporel figuré par le récit est ainsi doublé d’un déplacement des attendus du lecteur, convié à la sidération et l’incompréhension.
L’adaptation graphique d’un tel récit comprend d’indéniables difficultés : si les diverses figurations du seuil au sein du roman sont aisément figurables par l’image, il n’en est pas de même de l’immensité cosmique et de la distorsion temporelle. La question se pose de la représentation graphique de ce qui par définition échappe à la représentation : comment « faire image » de l’incommensurable ? Si certaines illustrations prennent le parti du gigantisme et de la disproportion, d’autres semblent éluder l’enjeu cosmique du récit et mettent en avant la qualité gothique de The House on the Borderlands. L’effroi semble alors céder la place au récit d’action et à l’horreur gothique ; le passage du seuil est facteur de danger réel et non plus de l’avancée inexorable vers la sidération cosmique. Il s’agira pour nous de confronter plusieurs stratégies d’adaptation de ce roman précurseur de l’horreur cosmique Lovecraftienne.
Cette présentation se propose d’analyser différentes illustrations (John Coulthart) et couvertures (Ed Emshwiller, Ian Miller, Terry Oakes) de The House on the Borderlands, ainsi que son adaptation en roman graphique par Simon Revelstroke et Richard Corben.
Biographie
Céline Cregut est docteure et chargée de cours à l’université du Mans. Elle travaille sur les représentations du vampire en littérature et cinéma, en s’attachant à démontrer les jeux constants entre excès et absence qui caractérisent la mise en texte et en image de cette figure. Ses recherches annexes s’intéressent à la représentation du Mal en littérature et dans les arts, au body horror et aux metal studies, sous les angles conjugués de la transmédialité et du post-sécularisme.
Gwendolyne Cressman
Université de Strasbourg
cressman@unistra.fr
Performing the border: heuristics and intermediality in Andreas Rutkauskas’s Borderline project
In 1976, as a gift in celebration of the bicentennial anniversary of the American revolution, the Canadian government presented its American counterpart with a collection of texts and photographs entitled Between Friends. The book, produced by the National Film Board of Canada, explores the relations of “friendship” and “peace” between Canadians and Americans along the International Boundary (Monk, 1976). Some 40 years later, taking inspiration from this photographic interpretation of the border, photographer Andreas Rutkauskas offers to take us on a virtual survey of the same border through the mediation of new mapping technologies. The 120 photographs shown in the project were taken in 44 different locations along the border from East to West and are presented in geolocalized form on an interactive Google map. As the viewer clicks on a location in the sidebar on the left or directly onto the map, this brings up the name of the location, a text authored by the photographer, and the several photographs associated with it. The viewer thus navigates the border by zooming in at street view level or by zooming out on a global scale. Alongside this multiscalar, interactive and somewhat abstract approach offered by the Google map, Rutkauskas’s texts and photographs produce, by way of contrast, a “real” sense of place at the border. By resorting to the Google map as the material and institutional framework/surface onto which his photographic and textual investigation at the border are displayed and with which they interact, Rutkauskas challenges our social, political, and cultural expectations and imaginaries about the border and suggests we understand the border beyond its cartographic expression. I want to argue that the intermediality of Rutkauskas’s project invites its viewers on a heuristic journey along and across the Canada-U.S. border which encourages the viewer to perform the border and thus actively take part in the writing of a border narrative beyond the rhetoric of national monuments and official discourses.
Biographie
Gwendolyne Cressman is a Senior lecturer in North American studies at the University of Strasbourg. Her research interests include conceptual as well documentary photography in Canada and the United States with a special focus on issues related to landscapes, migration, identities and national memories. She has recently published an article entitled “Sensing the Border at Roxham Road” in Intermédialités / Intermediality and coedited a special issue on “Contemporary Ruins” in the journal Interfaces (2023), another on “Framing/ Unframing Spaces in the English-speaking” in Polysèmes (2022) as well as a volume entitled “The Poetics of Framing, Performing frames in the Visual Arts” in Sillages Critiques (forthcoming). She is currently working on a book project questioning national photographic traditions in North American landscape photography. She co-directs Ranam, a journal in English and North American studies, as well as the “Etudes Anglophones” collection at the Presses Universitaires de Strasbourg.
Xavier Giudicelli
Université de Reims Champagne-Ardenne
xavier.giudicelli@univ-reims.fr
Espaces côtiers, espaces frontaliers : poétique de l’entre-deux chez Alan Hollinghurst
Loin d’être de simples limites – des frontières entre terre et mer – les espaces côtiers constituent des lieux dynamiques d’échanges, des sites de riches sédimentations, des points de contact entre temporalités, cultures et médias. C’est ce que mettent en lumière les œuvres de l’écrivain britannique contemporain, Alan Hollinghurst (né en 1954) : six romans (et un plus mince corpus poétique), dans lesquels les côtes se font souvent zones de dialogues tant intertextuels qu’intermédiaux.
L’un des premiers textes publiés par Hollinghurst, un poème intitulé « Isherwood is at Santa Monica » (Sycamore Broadsheet 22, automne 1975) se présente comme l’ekphrasis d’une photographie imaginaire : à la fois portrait et marine, « Isherwood is at Santa Monica » évoque l’écrivain Christopher Isherwood (1904-1986) sur la plage de Santa Monica en Californie et sa rencontre avec un jeune homme blond. Le poème rejoue et transforme une scène inspirée de La Mort à Venise de Thomas Mann (porté à l’écran par Luchino Visconti en 1971). Ce texte de jeunesse préfigure le motif du paysage côtier, récurrent dans les romans de Hollinghurst, lieu de l’entre-deux, où les époques historiques et les arts entrent en résonance.
C’est à la lumière de ce poème rarement étudié que je proposerai ensuite d’analyser les « paysages d’âme » que brosse The Folding Star (1994), deuxième roman de Hollinghurst et de mettre en relation l’épigraphe (en français) du roman – la deuxième section de « Quelqu’un songe de soir et d’espoir » d’Henri de Régnier, extrait du recueil Tel qu’en songe (1892) – et son énigmatique clausule. Celle-ci a pour cadre la plage d’Ostende, espace liminal, entre la Belgique et la Grande-Bretagne – Ostende est le port d’où partent les ferries pour Ramsgate –, entre la vie et la mort. Je poserai l’hypothèse que ce rivage est un lieu où se construit une temporalité queer, telle qu’elle est définie, entre autres, par Elizabeth Freeman (Time Binds: Queer Temporalities, Queer Histories, 2010) : une perception affective de la chronologie qui agit comme point de résistance à la linéarité unidirectionnelle de la flèche du temps.
Cela me conduira enfin à envisager la poétique de l’écho qui caractérise le traitement de la côte du Dorset et de ses falaises dans The Spell (1998), troisième opus de l’auteur. Le littoral du Dorset est bien sûr un territoire chargé des sédiments de nombreux textes antérieurs : ceux de Thomas Hardy ou du roman néo-victorien de John Fowles, The French Lieutenant’s Woman (1969), par exemple. Dans The Spell, un épisode situé sur une falaise offre une relecture de la célèbre scène de A Pair of Blue Eyes (1873) de Hardy – à l’origine du terme cliffhanger. L’excipit rappelle quant à lui « Dover Beach » de Matthew Arnold (1867). Les lignes sinueuses que les courants marins dessinent sur les ondes (« the curling silver roads of the currents ») à la toute fin du roman suggèrent que, comme dans le poème d’Arnold, le calme retrouvé n’est que de surface. Elles évoquent également l’ondoyante ligne de beauté de William Hogarth, principe esthétique qui régit l’ensemble de l’œuvre de Hollinghurst et « conduit l’œil le long de la continuité de sa variété » (W. Hogarth, The Analysis of Beauty).
Biographie
Xavier Giudicelli est maître de conférences HDR en littérature et arts britanniques à l’université de Reims Champagne-Ardenne et membre du CIRLEP (Centre interdisciplinaire de recherche sur les langues et la pensée). Ses recherches portent sur l’œuvre d’Oscar Wilde, l’étude des rapports entre texte littéraire et image, la réécriture du canon victorien et édouardien aux XXe et XXIe siècles, ainsi que sur la traduction et les transferts culturels. Il a publié de nombreux travaux sur ces sujets, dont Portraits de Dorian Gray : le texte, le livre, l’image (PUPS, 2016). Il a, entre autres, dirigé un numéro d’Études anglaises sur Wilde et les arts (janvier-mars 2016) et co-dirigé avec Anne-Florence Gillard-Estrada un volume intitulé L’Esthétisme britannique (1860-1900) : peinture, littérature et critique d’art (ÉPURE, coll. « Héritages critiques », 2020). Il prépare actuellement une monographie sur Alan Hollinghurst.
Amélie Macaud
Université de Rouen Normandie et Université Bordeaux Montaigne
amelie.macaud@gmail.com
La remédiation en ligne de photographies d’auteurs américains « cultes » par leurs lecteurs
Les lecteurs ont toujours eu une image vive de leurs personnages préférés, mais aussi, grâce à la photographie, de leurs écrivains favoris. Ernest Hemingway, Mark Twain, Frederick Douglassou encore Edgar Allan Poe sont des auteurs dont les portraits ont été copiés, imprimés, recopiés, sous diverses formes, dans divers média. Leur portrait est indéniablement associé à leur texte, demanière indélébile. Qui n’a pas un jour imaginé le visage de Edgar Allan Poe lors d’une lecture de « The Raven ». Mais ces auteurs canoniques ne sont pas les seuls dont l’image est unie à leur œuvre. Charles Bukowski ou Hunter S. Thompson, par exemple, des auteurs moins connus du grand public ou moins reconnus par leur pairs, ont pourtant vu leur image médiée puis remédiée (Bolter, Grusin1999) à maintes reprises, grâce à leur publication dans les années 1960 et 1970 de textes souvent autofictionnels, ou journalistiques, teintés de réalisme,après la révolution Kodak.
Ces auteurs appartiennent à ce que l’on pourrait considérer un intérêt de « niche » sur Internet, où leurs lecteurs sont motivés, enthousiastes, et actifs. Nous nous intéresserons pour cette communication au déplacement de l’image de ces auteurs considérés comme des auteurs « cultes » par leurs lecteurs/fans sur Internet, où les frontières s’estompent. Les questions que nous soulevons sont les suivantes : comment les photographies sont-elles réutilisées, remédiées en ligne, sous quelle forme ou format, et dans quel but ? Les lecteurs utilisent-ils ou -elles ces photographies dans le but de promouvoir les textes de l’auteur,de s’approprier l’image de ce dernier, ou encore de distinguer l’auteur de l’œuvre,la persona de l’homme ? Il s’agit d’une étude intermédiale mettant en avant le rôle des lecteurs et des images sur le medium Internet.
Biographie
Titulaire d’un doctorat en littérature américaine à l’université Bordeaux Montaigne sous la direction de Mme Véronique Béghain, Amélie Macaud est chercheure associée aux laboratoiresde recherche ERIAC et CLIMAS. Diplômée de l’enseignement à l’université de Toronto (OISE), elle enseigne à l’université de Rouen Normandie. Ses recherches portent principalement sur la théorie de la réception, la relation image-texte, la sociologie de la littérature, l’intermédialité et les humanités numériques. Sa thèse, intitulée « La construction de l’œuvre de Charles Bukowski: de l’art de la publication et du mélange des genres », s’attache à la publication, la promotion et la réception de l’auteur Charles Bukowski.
Georges Pillegand-Le Rider
Université Sorbonne Nouvelle
georges.pillegand@sorbonne-nouvelle.fr
Phenomena. Photographies des frontières étasuniennes
Le projet étasunien se crée sur le repoussement d’une frontière vers l’Ouest ; puis, au cours du 20ème siècle, une frontière verticale est envisagée. Dans l’ouvrage Phenomena, trois photographes discutent par leur travail de l’entremêlement de ces deux frontières : au cœur des déserts du Nouveau-Mexique ou de l’Arizona se sont forgées de nouvelles conquêtes. Comment les constructions de ces deux impérialismes s’entrechoquent-elles ? Quelles autres frontières ce contraste permet-il de mettre en lumière ? Les photographies comprises dans l’oeuvre montrent l’importance que l’imaginaire extraterrestre a prise dans le territoire étasunien, d’une part dans les différents objets que l’on y trouve (éléments urbains, affiches, décorations, street art), mais également dans les étendues désertiques où des OVNIs ont été aperçus : des étendues vides, donc, sur les photographies. La contemplation de ces plaines porte à réfléchir sur les témoignages précaires et fascinants qui révèlent, par des expériences et récits individuels, l’obsession d’une nation toute entière pour ce qui se terre dans son ciel. Enfin, les images de lieux d’occurrence extraterrestre sont particulièrement poignantes puisqu’elles soulèvent un paradoxe. L’extraterrestre, dans l’imaginaire étasunien, est un spectre : par l’espoir que l’on y a de sa présence, il est prégnant dans les esprits, prenant des existences diverses dans les espaces public et discursif mais, pourtant, c’est bien une absence que ces images documentent.
Ma proposition vise à analyser comment les photographies de Phenomena mettent en relation les perpétuels repoussements, par les États- Unis, de leurs frontières. À elles seules, les représentations de désert figurent dans l’ouvrage l’avancée vers l’Ouest à l’origine du pays d’une part ; le déploiement de l’impérialisme capitaliste du pays avec la présence déroutante de chaînes de grande consommation maintenant internationales (McDonalds, Starbucks) d’autre part ; et enfin l’absence extraterrestre si prégnante révélant le désir briser un dernier lieu de frontière, le ciel – un désir à penser comme aboutissement d’une ambition nationale historique.
Biographie
Georges Pillegand-Le Rider est doctorant à l’ED 625 et travaille sur l’imaginaire de l’extraterrestre aux États-Unis, et comment celui s’accompagne dans la pensée contemporaine de la question du vivant et de l’environnement. Son travaille de Master 2, L’Extraterrestre face au féminin/masculin, a été publié aux éditions de l’Harmattan en 2021.
Armelle Sabatier
Université Paris-Panthéon-Assas
armelle.sabatier@u-paris2.fr
Redessiner et redéfinir les frontières de l’intermédialité dans la poésie Shakespearienne
La nouvelle édition des Sonnets de Shakespeare, All The Sonnets of Shakespeare, par Paul Edmonson et Stanley Wells, parue en 2020 et rééditée en 2022, remet non seulement en question l’ordre des sonnets de Shakespeare tel que codifié dans l’édition de 1609 qui a fait autorité pendant des siècles, mais rejette également nombres de catégories critiques qui ont été érigées a posteriori. Cette édition qui inclut les sonnets de l’édition originale, quelques autres sonnets ainsi que les 23 sonnets qui figurent dans l’œuvre théâtrale, présente les poèmes dans l’ordre chronologique de l’écriture en se fondant sur les nombreuses études qui ont établi les datations des sonnets. Ce choix éditorial qui met en avant la temporalité de l’écriture bouleverse les frontières que la critique avait tracées et qui s’étaient figées avec le temps. Outre la redéfinition des frontières génériques entre la poésie et le théâtre dont les lignes de démarcation sont très floues dans l’œuvre de Shakespeare, le rejet des lectures genrées qui avaient réparti les sonnets entre deux destinataires, le « jeune homme » (« The Youth ») d’un côté, et la « dame en noir » (« The Dark Lady ») de l’autre, offre de nouvelles perspectives de relecture des sonnets.
Tout en prenant en compte ce processus de « défamiliarisation » selon les termes d’Edmonson et de Wells, cette communication propose d’explorer les sonnets liés à l’intermédialité, en particulier ceux comparant la poésie et la peinture, en dépassant les anciennes frontières genrées et génériques. Par exemple, le sonnet 24, « Mine eye hath played the painter », autrefois attribué au « jeune homme », n’est plus « genré » dans la nouvelle édition. Sa datation s’établit aux alentours de 1595-1597, peu de temps avant The Merchant of Venice (1598) où une miniature constitue un des objets scéniques de premier plan. Ainsi, il s’agira de réfléchir aux bouleversement induits par ce choix éditorial dans les lectures intermédiales qui ont pu être faites auparavant. Est-ce que cette nouvelle édition peut éclairer de nouveaux aspects et de nouvelles modalités de l’ut pictura poesis dans la poésie shakespearienne ?
Biographie
Armelle Sabatier est Maître de Conférences HDR à l’Université Paris-Panthéon-Assas. Membre du laboratoire VALE de Sorbonne Université, elle est spécialiste de littérature de la première modernité. Ses recherches s’inscrivent dans les études intermédiales et les études sur la couleur. Elle a publié de nombreux articles et chapitres sur les arts visuels et la couleur dans Shakespeare. Elle est l’auteur de l’ouvrage Shakespeare and Visual Culture. A Dictionary (Bloomsbury, 2016). Elle a co-dirigé un ouvrage avec Camilla Caporicci, The Art of Picturing in Early Modern English Literature (Routledge, 2019). Sa prochaine monographie est consacrée à la couleur rouge dans les poèmes narratifs de Shakespeare et devrait paraître en 2024 aux Presses Universitaires de Rennes (Fleurs de Sang. Poétiques du rouge dans les poèmes narratifs de Shakespeare).
Laura Singeot
Université de Reims
laura.singeot@gmail.com
“Allowing the Glow to shine through”: decolonial intermediality in ART by Charmaine Papertalk Green & John Kinsella (2022)
From the arrival of the first British fleet, the notion of “frontier” in Australia had been used quite specifically as frontiers happened to cross the Australian territory itself. The main one was that dividing the known and the unknown: the “centre” was deemed hostile and no one – meaning no European – could possibly survive in this immense desert area which mostly remained untouched and unexplored. The notion of frontier also became cultural and fuelled colonial violence: the “Australian frontier wars” saw Indigenous Australians and British settlers confronting each other during bloody skirmishes up until the beginning of the 20th century. This apparent hermetic cultural frontier was translated on a political level, as the Indigenous Australians were invisibilised and only finally counted in the census after the 1967 referendum. However, tensions still remain as the failure of the “Yes” vote to the Indigenous Voice to Parliament demonstrated last October.
However, one way of reaching out of the remnants of this multifaceted colonial frontier seems to be through contemporary Indigenous Australian art and literature. That frontier is exposed and becomes progressively porous so as to create pathways towards cultural dialogue. This is what happens in ART (2022) co-written by Charmaine Papertalk Green (Wajarri, Badimaya and Nhanagardi Wilunyu from Yamaji Nation) and John Kinsella (non-Indigenous): this collection of poems reflects on the paintings of late Shane Pickett (Nyoongar) and builds connections between different media (paintings and poems) but also between different cultures (Indigenous and non-Indigenous).
This paper will demonstrate how this collection of poetry redefines the frontier as an overlapping rather than a trespassing: this triptych combining words and images builds up an intercultural and intermedial dialogue which offers a remapping of cultural and artistic relations. The depiction of painting in poetry will be first considered, as paper seems to become a canvas on which country[1] is painted throughout the collection. Then, the dialectics at work in the poems will be explored, placing at the heart of this worldmaking the poetics and politics of layering. Finally, the co-construction of new epistemologies will be articulated through the prism of decolonial thought, modelling a privileged pathway towards co-existence and co-creation.
Biographie
Laura Singeot is an associate professor in Cultural and Visual studies at Reims University, France. She is interested in the representations of Indigeneity in contemporary Indigenous literatures from Australia and Aotearoa-New Zealand, from novels and poetry to dystopic Young adult fiction and Sci-fi. She is also researching new museology and Indigenous visual art, especially digital and new media art, focusing on its integration into global networks of creation, curation and reception. Her methodology rests on a comparative transdisciplinary approach, drawing from concepts theorized in decolonial thought.
“Country” is the Indigenous Australian holistic worldview, which encompasses everything, everyone at all times. ↑