Atelier 32 : Études sur l’enfance/ Childhood Studies
Responsables de l’atelier
Yannick Bellenger-Morvan
Université de Reims Champagne Ardenne
yannick.bellenger@univ-reims.fr
Virginie Douglas
Université de Rouen Normandie
virginie.douglas@univ-rouen.fr
Rose-May Pham Dinh
Université Sorbonne Paris Nord
rm.phamdinh@wanadoo.fr
Marie-France Burgain
INSPÉ Pau
marie.burgain@u-bordeaux.fr
Harry Potter ou l’abolition de multiples frontières (spatiales, génériques, générationnelles et fictionnelles)
Les romans du cycle Harry Potter commencent par le départ du héros du monde des non sorciers vers le monde magique et proposent le franchissement de la frontière entre monde réel et monde secondaire. Ils mettent également en scène l’évolution du héros, son passage de l’enfance à l’âge adulte. Ces livres fournissent ainsi de multiples exemples de frontières et de franchissement de ces frontières. Autant de traits typiques des romans pour la jeunesse.
Toutes ces frontières, cependant, s’estompent peu à peu et les deux mondes se fondent. Ce brouillage des frontières se retrouve également dans le flou générique de l’ensemble. Œuvre de fantasy héritière des contes, roman scolaire et récit d’initiation, roman d’aventures avec une intrigue à résoudre et une menace pesant constamment sur le héros, l’ensemble est bien une œuvre hybride, à l’image de nombreuses œuvres de littérature de jeunesse. Cette intergénéricité apparaît aussi dans les multiples niveaux de lecture proposés aux lecteurs d’âges différents.
Enfin, cette porosité entre genres littéraires se retrouve dans la porosité entre monde fictionnel et monde réel, monde des lecteurs qui retrouvent dans leur quotidien, par des effets transmédiaux, des éléments de la fiction, signifiant ainsi un franchissement « à rebours » des frontières du fictionnel vers le monde réel.
Biographie
Auteure d’une thèse de doctorat intitulée Jeux d’écriture(s) et de réécriture(s) du cycle des Harry Potter de J. K. Rowling, publiée chez Peter Lang en 2018, Marie-France Burgain est Maître de Conférences en anglais et didactique de l’anglais en poste sur le site INSPE de Pau. Passionnée par la littérature de jeunesse des pays anglophones et par les nouvelles formes d’écriture (pratiques transfictionnelles et transmédiatiques), elle a écrit de nombreux articles sur l’ensemble des Harry Potter. Elle s’intéresse également aux liens entre littérature de jeunesse et enseignement des langues.
Sybille Doucet
Université Grenoble-Alpes
sibylle.doucet@univ-grenoble-alpes.fr
Initiation ou migration ? De la nécessité du voyage dans les trilogies du Multivers de Philip Pullman
Topos inévitable de la littérature de jeunesse, le voyage des protagonistes, souvent initiatique, ouvre le champ des possibles et crée l’espace dans lequel l’intrigue se déploie, les personnages évoluent et grandissent. Dans ses deux trilogies de fantasy situées dans le même univers diégétique, À la croisée des mondes et Le Livre de la Poussière, Philip Pullman met en scène le voyage de nombreux protagonistes à travers plusieurs continents, de multiples univers parallèles, des mondes féeriques et cauchemardesques, jusque dans le royaume des morts. Cette communication se propose d’analyser la place et le rôle du voyage dans les deux trilogies, au-delà des attentes et enjeux traditionnels du voyage initiatique dans la littérature de jeunesse.
En toile de fond des voyages des personnages principaux, qui suivent majoritairement les codes classiques du genre, se dessinent en filigrane des parcours migratoires dont les causes et objectifs sont très différents. Pléthore de migrants, souvent sans visage, fuient les cataclysmes écologiques, les guerres, les persécutions ; et lorsqu’ils croisent l’intrigue principale, c’est pour en faire ressortir les enjeux sous une nouvelle lumière.
Qu’elle soit fuite, poursuite, migration ou errance, la circulation des protagonistes confronte les destins et les besoins d’individus issus de mondes entièrement différents. L’espace liminal du voyage – entre deux lieux, entre deux âges, voire entre vie et mort – est le lieu où les identités se rencontrent, les histoires s’échangent et les voix peuvent espérer être entendues.
Biographie
Sibylle Doucet est docteure en littérature de jeunesse. Elle a soutenu sa thèse de doctorat à l’Université de Strasbourg en 2021. Ses recherches s’étendent à la littérature britannique contemporaine ainsi qu’aux littératures de l’imaginaire. Elle enseigne en tant que professeure agrégée à l’Université Grenoble-Alpes, au sein du département d’études anglophones.
Clémence Pillot
Université Paris I Panthéon Sorbonne
clemence.pillot9@gmail.com
Être élève d’une public school en 1939-45 : de nouvelles perspectives ?
Cette communication se propose de revenir sur les années charnières de la Seconde Guerre mondiale pour les élèves adolescents des public schools britanniques et les nouveaux horizons, tant géographiques que socio-culturels, qui allaient devenir les leurs au cours de la période. En s’appuyant sur les journaux régulièrement publiés par les élèves dans les années 1940, il conviendra d’évoquer la maturité nouvelle acquise par cette génération très tôt confrontée aux bombardements, au lourd tribut payé par les old boys, ainsi qu’à de nouvelles responsabilités dans le cadre de l’effort de guerre, autant d’éléments qui auront contribué à redéfinir les frontières entre enfance et âge adulte.
Il sera également question de l’évacuation de certains établissements (Westminster évacuée dans le Herefordshire et St Paul’s dans le Berkshire, Malvern et Cheltenham reçues à Shrewsbury), qui devait rapprocher les public schools, de tout temps marquées par leur très fort élitisme social, de nouveaux territoires et de nouveaux publics, qu’ils soient ou non britanniques, puisque quelques jeunes réfugiés de confession juive étaient également accueillis dans les établissements.
Au-delà de cette adaptation, tout à fait inédite, à de nouveaux environnements, il s’agira enfin de mettre en évidence la volonté souvent manifestée par les élèves de continuer à faire vivre, une fois la paix revenue, et dans le cadre institutionnel assez rigide des public schools, ce qu’ils considéraient avoir été les enseignements somme toute précieux des années de guerre.
Biographie
Agrégée d’anglais, Clémence Pillot a soutenu en 2018 une thèse intitulée « A Cause for Readjustment of Values ? Public schools and Social inclusion (1918-1951) » sous la direction de Fabrice Bensimon. Maître de Conférences à Paris I Panthéon-Sorbonne, elle a participé à differents colloques en France et à l’étranger, et a récemment publié « Public Schools britanniques : l’impossible réforme ? » dans Parlement(s), Revue d’histoire politique, juin 2023.
Cécile Poix
Université Lyon 2
C.Poix@univ-lyon2.fr
Déminer l’édition pour la jeunesse : quand les mots ne passent pas la frontière du temps
En février 2023, la maison d’édition Puffin Books annonce la publication d’une édition révisée de livres de Roald Dahl. L’examen des textes par des démineurs et démineuses d’édition (expression désignée par France Terme pour traduire celle de sensitivity readers) donne lieu à la réécriture et à la suppression de certaines références portant sur le physique, la santé mentale, le genre ou encore la couleur de peau. Cela déclenche dans la presse des réactions enflammées, avec l’intervention de personnalités, dont Salman Rushdie (écrivain poignardé en 2022 suite à une fatwa lancée contre lui trente ans auparavant pour avoir écrit Les versets sataniques) ou encore le Premier ministre britannique Rishi Sunak. C’est l’intervention de la reine consort Camilla, au nom de la liberté d’expression, qui mettra fin à la polémique. La maison d’édition continuera de proposer aussi la version originale des livres.
La censure de la littérature pour la jeunesse est un phénomène déjà bien étudié avec les travaux de West (1990, 1997, 2003), Knox (2022), MacLeod (1983), Jalengo & Creany (1991) ou encore McClure (1983). Cette communication ne propose donc pas une nouvelle approche de la censure mais fait une analyse textométrique de quelque 150 articles journalistiques relevés dans la presse britannique entre le 18 et le 27 février 2023. Il s’agit d’identifier de manière quantitative les éléments de langage qui décrivent la frontière du temps (back then, update, of their time, over time, etc.) ainsi que la perception individuelle du politiquement correct et des expressions taboues. Par le biais de la linguistique de corpus, nous pourrons aussi observer les raisons énoncées pour ou contre la réécriture des livres de Roald Dahl, afin de faire un parallèle avec d’autres œuvres sujettes à la controverse, proposées en librairies dans des versions abrégées, révisées ou originales.
Biographie
Cécile Poix est Maitre de Conférences à l’Université Lumière Lyon 2. Sa thèse, soutenue en 2019, porte sur une « Etude contrastive de la néologie lexicale dans un corpus multilingue de la littérature pour la jeunesse ». Pour étudier la néologie, elle a compilé un corpus de plus de 9 millions de mots. Le corpus est constitué de classiques pour la jeunesse des XIX° et XX° siècles, écrits en anglais, français, allemand et italien et traduits dans chacune des langues respectives. Elle a publié plusieurs articles portant sur les créations lexicales dans les œuvres pour la jeunesse, analysant leur typologie et leur fonction ainsi que les problèmes que pose leur traduction.
Alwena Queillé
Sorbonne Nouvelle
alwena.queille@gmail.com
Victoria Robert
Sorbonne Université & Université Grenoble Alpes
victoria.robert09@gmail.com
”An endless, formless summer”: errance et expérience de jeunesse dans The Girls et The Guest d’Emma Cline
De The Great Gatsby à The Bell Jar en passant par The Catcher in the Rye, la littérature américaine semble placer l’été comme espace-temps liminaire entre enfance et âge adulte où tout semble possible, entre chaleur estivale et brumes existentielles. Un temps sans école, sans parents, où l’ennui s’étire comme les longues journées d’été. Cette parenthèse devient un temps de l’expérience, loin de la route toute tracée par les parents, où l’errance permet parfois de se découvrir.
Emma Cline, autrice américaine contemporaine, propose dans ses deux romans The Girls (2016) et The Guest (2023), de suivre des personnages féminins à l’orée de l’âge adulte qui, le temps d’un été, vont mettre leur vie en pause pour signifier une rupture avec leur vie quotidienne. Une vie souvent régie par le contrôle des parents qu’il faut se réapproprier à tout prix, en oubliant parfois le danger. Car cette errance initiatique au féminin n’est pas signe d’une liberté sans limite. Elle se paye au prix fort de la solitude, de l’insécurité mais aussi de la violence.
Dans The Girls, Evie, la jeune protagoniste n’attend qu’une chose : être remarquée. Invisible aux yeux de son foyer déchiré, engluée dans une vie en banlieue cossue californienne, incomprise par ses amies, elle se sent irrémédiablement attirée par un groupe de hippies virevoltant autour d’un homme, Russell. Tout comme Evie, Alex, la protagoniste de The Guest, vagabonde en quête de reconnaissance : mise à la porte par son amant Simon, la jeune adulte erre dans l’environnement imprévisible de Long Island. Entre vie et survie, Alex croise enfants, adolescents et adultes, qui lui offrent un répit momentané dans sa déroutante quête de stabilité. Toutefois, la fête du Labor Day, qui devait mettre fin à l’errance de la jeune femme, met à mal ses espoirs, le récit étant marqué par une constante incertitude…
Les expériences durant l’été sont souvent intenses et resserrées sur un espace-temps à la fois court et long et sont souvent des premières fois que certains peuvent qualifier d’erreurs de jeunesse : premiers rapports sexuels, prise de drogues, comportements extrêmes. Ces expériences agissent-elles sur les adolescents ou les jeunes adultes comme un « empouvoirement » ou au contraire relèvent‑elles du trauma et sont oubliées une fois la rentrée arrivée ? La nature rétrospective du récit dans The Girls montre qu’au contraire, cet été hante la protagoniste et vient se télescoper à un autre été mélancolique, celui de sa vieillesse.
Les romans étudiés ici posent également la question de la frontière entre genres littéraires: romans d’apprentissage, romans féministes, Young Adult Novels? Pour franchir cette frontière très perméable, il conviendra de trouver des ponts. La théorie de la cross-over literature apporte une proposition pour dépasser ces clivages.
Biographies
Alwena Queillé est doctorante contractuelle en littérature américaine contemporaine à l’Université Sorbonne Nouvelle (ED 625 MAGIIE, EA 4398 PRISMES), sous la direction de Béatrice Pire. Après des recherches sur l’exploration de la solitude et de l’isolement dans l’œuvre d’Ottessa Moshfegh, sa thèse porte sur la représentation d’intimités vulnérables dans les fictions américaines contemporaines d’Ottessa Moshfegh, Rachel Kushner et Emma Cline, notamment à la lumière des théories de la vulnérabilité et de l’affect.
Victoria Robert est agrégée d’anglais et doctorante contractuelle en littérature américaine contemporaine sous la co-direction de Nicholas Manning à l’Université Grenoble-Alpes (ILCEA4) et Nathalie Caron à Sorbonne Université (HDEA). Sa thèse porte sur les trajectoires spirituelles sous emprise chez les adolescentes dans le roman d’apprentissage contemporain américain.
Aurélien Saby
Sorbonne Université /Lycée Hélène Boucher
saby.aurelien@yahoo.fr
Crossing Blurred Borders Between Childhood and Adulthood in Writing the Picture by John Fuller and David Hurn
David Hurn (Magnum Photos) has captured the energy of children for decades. From the late 1980s till the early 2000s, he collaborated with the British poet John Fuller. In their book entitled Writing the Picture (2010), Hurn’s photography sparks thought-provoking verseby Fuller. This work comprises more than twenty scenes involving children – not to mention the photos portraying adults as children – in which the borders between childhood and adulthood are blurred. Not unlike us, viewers or readers, Hurn often describes himself as a child marvelling at each surprise held in our ordinary lives: “Life, as it unfolds in front of the camera, is full of so much complexity, wonder, and surprise.”Hurn does not idealise childhood, though; and neither does Fuller. In Writing the Picture, the crossing between childhood and adulthood is always fraught with tension, as exemplified by the young soccer players eager to grow older – “Wishing you were tall, / Wishing you could float” (WP, 86)– while the adult world in the background is metaphorized by unemployment through the East Moors steel works that have just closed in Cardiff (1978); or by Bronwen, inspired by the Mabinogion(WP, 64-65), who seems doomed to an unhappy adult life: “Bronwen, daughter of Llyr,/ Bride of sorrows.”In the wake of Fuller’s mentor W.H. Auden, Writing the Picture debunks the myths of innocence and ideal childhood: “In so far as poetry, or any other of the arts, can be said to have an ulterior purpose, it is, by telling the truth, to disenchant and disintoxicate” (Auden, The Dyer’s Hand). Indeed, the complex interplay between Fuller’s lines and Hurn’s photos discloses a world blurring the lines between innocence and experience, children’s literature and poetry for adults, where even a cuddly toy may uncannily turn into a memento mori.
Biographie
Aurélien Saby est l’auteur d’une thèse sur l’œuvre de W.H. Auden soutenue à Paris IV (laboratoire VALE) en juin 2013. Ses travaux de recherche portent à la fois sur l’œuvre de W.H. Auden et sur des auteurs contemporains influencés par W.H. Auden, notamment le poète britannique John Fuller. Il s’intéresse également aux rapports entre poésie et photographie et a consacré plusieurs articles au photographe contemporain David Hurn. Il enseigne en classes préparatoires littéraires et commerciales au lycée Hélène Boucher de Paris.
Caroline Starzecki
Université de Rouen Normandie
caroline.starzecki@univ-rouen.fr
Moving to and Fro: On Adoption and Abandonment in Lemony Snicket’s A Series of Unfortunate Events (1999-2006)
Orphanhood, and the subsequent adoption of the orphaned child, is a common trope in children’s literature, as adoptees may join families with children, (Mary in The Secret Garden; Harry in Harry Potter), or childless families (Leisel in The Book Thief). The children’s sense of belonging is distorted, enhancing their experience of displacement. The term “displacement” usually used to describe refugees and migrants who are forced to flee their place of origin, can be extended to characters who are driven away from their homes (Starzecki, 2023: 1-2), be they children who become orphans and adoptees through spatial and/or psychological displacement.
Lemony Snicket’s A Series of Unfortunate Events (1999-2006) re-examines displacement under various angles, as the three protagonists, the Baudelaire orphans, are adopted seven times throughout the thirteen novels. Children’s literature about adoption often includes not only the adoptee’s complicated search for identity (Grotevant et al., 2000) or the need to establish a sense of belonging – upon which A Series of Unfortunate Events builds – but also what is referred to as the myth of the “precious child” (Meese, 2010), that is, “the idea that the adopted child holds a “special” or “precious” status” (Mattix& Crawford, 2011: 315), which Snicket’s series endeavours to deconstruct.
In A Series of Unfortunate Events, the protagonists’ displacement is exacerbated by the experience of adoption, which entails repetitive abandonment. Through incessant movement, Snicket demonstrates how the traditional home-away-home pattern (Nikolajeva, 2000) can be deconstructed in contemporary novels through a violent process of abusive adoptions which impact the protagonists in their psychological growth.
What are the representations of “birth culture” and adoption in the novels? Can agency be fostered in this context? Can A Series of Unfortunate Events serve as a terrain to further understand adoption? Our study aims to show the collapse and/or crossing of different boundaries – from the spatial to the psychological through the social frames – in order to question the depiction of family and adoption in Snicket’s book series.
Biographie
Caroline Starzecki est doctorante en quatrième année sous la direction de Virginie Douglas (ERIAC). Elle est ATER à l’INSPÉ de Rouen où elle enseigne la didactique de l’anglais et la littérature de jeunesse. Elle travaille sur le corpus principal de Lemony Snicket, intitulé A Series of Unfortunate Events (Les Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire), en particulier sur les notions de déracinement et d’identité. Elle a publié un article dans le journal Children’s Literature in Education en 2023, et deux autres articles sont en cours de publication. Elle organise la conférence internationale The Child and the Book 2024 à Rouen aux côtés de sa directrice de thèse.
Amelha Timoner
Université de Nanterre
timonera@parisnanterre.fr
“Meanings are for a reader to find, not for the storyteller to impose”[1] : pour une littérature sans frontières chez Philip Pullman
La trilogie de Philip Pullman His Dark Materials (1995-2000) s’est imposée comme un monument de la littérature pour la jeunesse par son succès en librairie mais aussi par la reconnaissance institutionnelle dont elle a bénéficié. Pullman a en effet remporté le “Children’s Book Award“ du Whitbread Prize en 2001 avec The Amber Spyglass et le “Book of the Year Award”, le dernier volet de la trilogie devenant ainsi le premier roman jeunesse à être primé dans cette catégorie prestigieuse.
Ce plébiscite est à la fois le témoin et le résultat d’une lecture transgénérationnelle de l’œuvre. Tant les adultes que les enfants se sont plongés dans les aventures de Lyra Belacqua, orpheline vivant dans un Oxford parallèle qui, dans sa quête pour retrouver son meilleur ami, découvre la Poussière, particules élémentaires conscientes qui font trembler l’Église toute-puissante qui régit son monde. Les plus jeunes retiennent surtout la dimension de roman d’aventures et de formation dans lequel Lyra ressort grandie. Les adultes, sans laisser de côté le Bildungsroman, prennent davantage en compte la critique de la religion institutionnalisée, ainsi que la relation intertextuelle avec Paradise Lost (1667) de John Milton ou les poèmes de William Blake.
Mais si la première trilogie s’adresse résolument à un lecteur modèle (Umberto Eco) multiple, la publication des deux premiers volumes de The Book of Dust, respectivement La Belle Sauvage (2017) et The Secret Commonwealth (2019), constitue un virage de la part de l’auteur. La représentation des violences y est en effet davantage assumée que dans His Dark Materials, où elles étaient bien souvent parées d’un voile magique ou métaphorique. Nous proposons ainsi d’étudier la réception de ces deux nouvelles œuvres afin de déterminer si, vingt ans plus tard, l’idéal pullmanien de “literature without borders”, soit une littérature qui ne s’adresse pas à une tranche d’âge spécifique et qu’il appelait de ses vœux en 2001, est encore d’actualité.
Biographie
Amelha Timoner est PRAG à l’Université Paris Nanterre et doctorante au laboratoire CREA (Université Paris Nanterre). Après s’être consacrée deux ans à la trilogie His Dark Materials de Philip Pullman dans le cadre de ses mémoires de Master, elle termine sa thèse portant sur les crises d’autorité dans le cycle Thursday Next de Jasper Fforde, sous la direction de Claire Bazin (Université Paris Nanterre) et Anne Besson (Université d’Artois).
PULLMAN Philip, “Children’s Literature Without Borders: Stories Shouldn’t Need Passports”, Daemon Voices: Essays on Storytelling, David Fickling Books, Oxford, 2017, p. 138. ↑