ATELIER 3 : XVIIe et XVIIIe SIÈCLES
Société d’Études Anglo-Américaines des XVIIe et XVIIIe siècles
Responsables de l’atelier
Pierre Lurbe
Sorbonne Université
pierrelurbe@gmail.com
Nathalie Collé
Université de Lorraine
nathalie.colle@univ-lorraine.fr
Organisation de l’atelier
L’atelier est structuré en trois parties distinctes :
– les communications, au nombre de 6, réparties thématiquement entre le jeudi et le vendredi
– une table ronde consacrée à “L’apport des Humanités Numériques aux études sur les XVIIe et XVIIIe siècles”, placée le jeudi. Elle réunira 3 intervenantes, et sa thématique s’inscrit dans celle du congrès : « Les Humanités numériques constituent une invitation au franchissement des frontières, au déplacement et dépassement des approches disciplinaires et méthodologiques traditionnelles. Dans le champ des études anglo-américaines sur les XVIIe et XVIIIe siècles, elles font évoluer à la fois notre rapport aux sources documentaires et nos enjeux de recherche, à travers la dimension collaborative et interdisciplinaire, les nouvelles modalités de mise en valeur des corpus et de diffusion des connaissances via des outils innovants ».
– un panel organisé conjointement par la SEAA 17-18 et la SERA, « Radicalism, Romanticism and Revolution(s) from one side of the Channel to the other », à la croisée des disciplines littéraires et historiques, et aux frontières chronologiques des deux sociétés. 4 communications y seront présentées.
Louis André
Université de Poitiers
louis.andre01@univ-poitiers.fr
“SOME SAID HE WAS AN HERMAPHRODITE” (III.2.213): UNSTABLE BORDERS OF GENDER IN JOHN WEBSTER’S DUCHESS OF MALFI (1613 –1614)
Abstract
In the context of Jacobean England (1603-1625), social “borders”may evoke instability. Due to excessive spending by the court of James I, titles were sold to the burgeoning merchant class, who were crossing the borders between nobles and commoners. A growing concern regarding the autonomy allotted to women tied this phenomenon to gender expression: the borders between man and woman were as fickle and fragile. Pamphlets such as Hic Mulier (1620) and Haec Vir (1620) sought to assert what it meant to dress, to behave, to express yourself as either a man or a woman.Theatre became an embodiment of gender “crossings”, with male actors cross-dressing and gender expectations subverted on stage,questioning an empiricist worldview.
John Webster ‘s The Duchess of Malfi is an example of his aesthetics of hybridity. Female characters exude masculine virtue while male antagonists are deemed feminine, embodying deception, cowardice, and every negative stereotype found in figures such as Eve. The court of Malfi is a mundus inversuswhere gender borders are challenged, where the female protagonist’s quest for self-determination is the crux of dramatic action. The Duchess transgresses what she is meant to be (a chaste widow), the authority of her brothers, as well as the top-to-bottom hierarchical structure of society (by marrying a commoner). Thus, in websterian drama, are borders meant to be crossed? If the consequence for crossing gender borders is death, is Webster reinforcing gender fixity? Are websterian tragedies an invitation to explore beyond well-defined borders, into the realm of ambiguity?
Biography
Louis André is a “professeur agrégé” specialised in Renaissance drama (both Elizabethan and Jacobean), teaching as an ATERat the University of Poitiers. He is currently writing a dissertation on the paradoxical representations of women in John Webster’s theatre, at the CESCM center, under the supervision of Pr. Pascale Drouet. Although his research is primarily focused on Jacobean playwrights such as Webster, it also tackles Humanist and contemporary writers: his recent publications include his study of the depiction of Thomas More in Catastrophism “Renaissance et discordance dans Brutopia d’Howard Barker: donner vie à l’irréel, brutaliser l’Utopia morienne” (Shakespeare en devenir, n°16, 2022). He has also co-organised a seminar on the relationship between the plays of Shakespeare and his contemporaries and gender performance,entitled “Gender Performance on the Elizabethan Stage and Beyond: Radicality or Run-of-the-mill?”. As for his most recent communications, they include a presentation at the MSHS center in Poitiers, entitled “‘This is flesh and blood’ (I.1.443) : (dé)constructions de la sexualité féminine dans The Duchess of Malfi(1613-1614)”, as well as a more general approach tackling the social condition of women in early modern England, called “The Aftermath of the ‘Querelle des femmes’ in Jacobean England”, presented at an international, pluri-disciplinary conference held by the CESCM in collaboration with the Marco Institute (University of Tennessee). Finally, he is currently working on a play review essay of a modern adaptation of Webster’s Duchess of Malfi performed by the BUSC (Bonn University Shakespeare Company), directed by Marc Erlhöfer, in Bonn, Germany.
Julie Beq
Université de Caen Normandie
beq.julie@unicaen.fr
LE RIRE OUTRE LA CATASTROPHE : A JOURNAL OF THE PLAGUE YEAR DE DANIEL DEFOE, PAR-DELA LES FRONTIERES DU TRAGIQUE ?
Résumé
A Journal of the Plague Year, publié presque soixante ans après les faits qu’il se propose de présenter au lecteur (la Grande Peste de 1665) est bien loin d’être un récit comique. Au contraire, Daniel Defoe puise dans le réel de la peste le scandale et le tragique de la mort conquérante et réaffirme la souveraineté de Dieu et de ses lois sur la terre. Pourtant, bien que très marginal, le rire parvient à s’insinuer dans le tragique du récit. Qu’il s’agisse d’un rire cynique, désespéré, absurde, voire fabulé, cette présence inopportune souligne l’ironie d’une situation dans laquelle l’humanité, avec toutes ses règles et normes, est renversée par un nouvel ordre hostile et incompréhensible, alors même qu’elle s’efforce de juguler le chaos par tous les vains moyens qui s’offrent à elle. L’irruption inattendue du rire vient provoquer les personnages aussi bien que le lecteur, plongé dans l’atmosphère macabre de l’épidémie, rendant les circonstances et leur compréhension toujours plus instables. Le rire, au milieu du malheur, de la mort et de la peur, est-il le signe d’une humanité déchue, grotesque dans son affliction, ou bien un vestige du monde perdu d’« avant la peste » ? Est-il salvateur, guérisseur, annonciateur de la fin du désastre, un instant d’évasion, tel le rire carnavalesque bakhtinien ? Ou, dans la lignée de la théorie bergsonienne, est-il au contraire, un mouvement purement mécanique, symptôme d’un contrôle du corps totalement perdu, qui se joue de la catastrophe pour, dans un retournement presque paradoxal, mieux la servir finalement ?
Biographie
Julie Beq, agrégée d’anglais depuis 2022, est doctorante à l’Université de Caen, où elle enseigne également en tant qu’ATER. Sa thèse, dirigée par Mickaël Popelard au sein de l’ERIBIA (Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Amérique du Nord), porte sur les notions et représentations du voyage et de la catastrophe dans un corpus d’oeuvres variées des XVIIe et XVIIIe siècles britanniques. Son mémoire de Master, dirigé par Mickaël Popelard et Z’hor Zizi à l’Université de Caen, a été publié en ligne sous le titre Faire face à la catastrophe : la Grande Peste de 1665 dans A Journal of the Plague Year de Daniel Defoe (1722).
Charlotte Chassefière
Université Paul-Valéry, Montpellier 3
charlotte.chassefiere@univ-montp3.fr
LA DOUBLE CONTRAINTE DE L’IDENTITÉ : LE CAS ÉTRANGE DE CHARLOTTE DACRE/ROSA MATILDA (1772-1825)
Résumé
Si les romans de Charlotte Dacre/Rosa Matilda s’inscrivent dans la tradition Gothique d’un Moine féminin, ils ne renient pas moins leur origine dans le roman sentimental et ses effusions de larmes à visée moralisatrice. La critique contemporaine a rapidement classé Charlotte Dacre/Rosa Matilda parmi les “hacks,” soit pour son sentimentalisme outrancier, soit pour la violence débridée de certaines de ses anti-héroïnes. Au centre même de cette tension, c’est pourtant précisément la frontière entre ces deux modes de représentation que semble incarner la dualité du personnage d’autrice de Charlotte Dacre, “mieux connue sous le nom de Rosa Matilda,” comme le clament les frontiscpices de deux de ses romans. La double contrainte de Dacre/Matilda se manifeste, entre autres, par la dualité de caractérisation de ses personnages, dans ses romans où les doubles abondent, et où l’identité se consolide ou se désagrège, selon qu’elle franchit ou non la frontière du foyer et de l’espace privé. Les traditions littéraires auxquelles Dacre/Matilda annonce son allégeance, le roman sentimental et le Gothique, sont elles-mêmes ancrées dans une tension entre passé et présent, public et privé, intériorité et extériorité—certains critiques qualifiant même la tradition gothique depuis Walpole de “Janus-faced” (Hogle 2019) Ces allégeances littéraires, portées par l’autrice même à travers le jeu de références que constitue son nom de plume, participent de cette stratégie de déplacement de l’identité observée chez de nombreuses femmes écrivains du long XVIIIe siècle (Gallagher 1995).
Biographie
Charlotte Chassefière est professeur agrégée d’anglais, actuellement ATER au département d’Etudes Anglophones de l’Université Paul-Valéry, Montpellier 3. Sa thèse, en cours de rédaction, porte sur la construction de l’identité dans l’oeuvre romanesque de Charlotte Dacre (1772-1825), et s’effectue sous la direction du Pr. Christine Reynier. Ses recherches portent sur la romance gothique, la poésie romantique et le romantisme satanique. Elle est également l’autrice de l’article “Moral Contagion as a Threat to Cultural Hegemony in the Novels of Charlotte Dacre”, publié dans la revue Postgraduate English (n°43), et du chapitre “‘The centre of thine own circle’: confinement et abjection dans les romans de Charlotte Dacre” dans l’ouvrage collectif “Le cercle étroit” : Les femmes à l’épreuve du confinement dans la littérature et les arts, à paraître aux Presses Universitaires de Rennes.
Charlène Cruxent
Université Grenoble-Alpes
charlene.cruxent@gmail.com
« WHAT ARE YOU THERE? YOUR NAMES? » (KING LEAR, 3.4.124) : LA FRONTIÈRE POREUSE ENTRE LES NOMS (PROPRES) DANS LES DERNIÈRES PIÈCES DE SHAKESPEARE
Résumé
Cette présentation a pour but de mettre en exergue les complexités sémantico-lexicales de certains noms attribués aux personnages dans Hamlet, King Lear, Pericles et Troilus and Cressida. Les noms qui seront étudiés se trouvent en effet à la frontière de deux (voire trois) catégories grammaticales étant donné qu’ils jouent un rôle d’identification habituellement attribué aux noms propres (Alford, 1988 et Kripke, 1980) tout en véhiculant un sens, caractéristique normalement réservée aux noms communs. Ces occurrences nominales ont été définies comme des « noms nus » (« naked surnames », Barton, 1990) ou encore des « quasi-surnoms » (« quasi-nickname », Kellogg, 1955) dans la mesure où elles véhiculent une description du personnage en question. Qu’il s’agisse de noms constituant des antonomases, métonymies ou encore des onomatopées, un glissement s’opère et trouble le(s) frontière(s) entre nom commun et nom propre.
Bien plus qu’une simple « imitation du comportement morphosyntaxique du nom commun » (Philippe, 2023), la palette onomastique déployée dans les œuvres de Shakespeare semble constituer une nomenclature à part entière. Il apert que la frontière catégorielle sémantique de certains noms est bel et bien délibérée car elle pourrait être une façon de mener le spectateur à une réflexion concernant l’utilisation et l’utilité des noms. Le nom aurait donc une double fonction sur scène : véhicule d’une identité linguistique, il révèle les relations interpersonnelles entre les personnages ainsi que le rôle prépondérant du spectateur dans la réception et l’interprétation des noms.
Biographie
Professeure certifiée d’anglais, Charlène Cruxent est attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université Grenoble-Alpes. En 2021, elle a soutenu une thèse intitulée « Naming and Nicknaming in Shakespeare’s World » dans laquelle elle examine et contextualise la formation et l’utilisation des surnoms dans les œuvres de Shakespeare. Elle a publié plusieurs chapitres, articles ainsi que des comptes rendus critiques d’ouvrages et de pièces de théâtre dans Cahiers Élisabéthains, Shakespeare Bulletin et Shakespeare en devenir – L’Œil du Spectateur. Charlène Cruxent s’intéresse à l’onomastique et à la sociolinguistique, aux phénomènes identitaires et aux mises en scène contemporaines des pièces des dramaturges de la Renaissance. Elle mène actuellement des recherches sur la place de Shakespeare au XXIe siècle et elle s’intéresse particulièrement aux phénomènes d’adaptation et de traduction de ses œuvres en France.
Sara Leuner
Université Paris Cité / University of Liverpool
sara.leuner@gmail.com
“A PARCEL OF POPISH, RUBBISHING PEOPLE”: FRANCOPHILIA AND FRANCOPHOBIA AS JUDICIAL RHETORIC IN 18TH-CENTURY ENGLISH RAPE TRIALS
Abstract
In 18th-century England, only a very small fraction of sexual violence reports resulted in prosecutions. Although social discrepancy between the accused and the prosecutrix was a common feature, cases involving men of the leisured class were extremely rare. The trials for rape of Daniel Lackey in 1757 and Frederick Calvert, 6th Baron Baltimore in 1768 nevertheless offer instances of middle and working-class women given the opportunity to testify publicly against socially superior aggressors. The social gap was predictably used against these women, portrayed as blackmailers targeting wealthy men.
An unexpected similarity appears in the trial transcripts: the use by both the defence and the prosecution of Francophilia and Francophobia as judicial rhetoric. The defendants were depicted as wordly travellers and French culture connoisseurs, this appreciation then directly linked by the prosecution to a propensity for sexual predation. This played to the image, widely circulated in the arts and the contemporary press, of the English elite as a diseased order, its morals and customs infected by French decadence. Defence counsels on the other hand relied on their clients’ cosmopolitanism to present them as refined citizens of the world, above such accusations. They still managed to capitalise on what seems to have been prevalent anti-French sentiment by depicting the prosecutrix, rather than the accused, as contaminated by Gallic culture.
The strategies adopted by each camp recycle the literary trope of the well-born libertine, disquieting because of the alien quality in a decidedly English identity. These trials reveal historical anxieties over increasingly porous social and national identities, in a context of heightened geo-political tensions between England and France.
Biography
Sara Leuner is a third-year PhD student at Université Paris Cité and University of Liverpool. She is preparing a thesis entitled “The Rake’s Progress: contribution to an archaeology of predation” under the supervision of Professors Frédéric Ogée (UPC) and Paul Baines (UoL). It is an inquiry into the representations of and reactions to sexual predation in the long 18th century through the rake archetype. Understood as both a literary creation and a historical reality, the figure sheds light on gendered, ideological and social anxieties regarding criminal male behaviour by members of the social elite. Sara has written an entry on the rake archetype for the Digital Encyclopedia of British Sociability in the Long Eighteenth Century (DIGIT.EN.S).
Ecem Okan
Université de Lorraine
ecem.okan@univ-lorraine.fr
TOWN AND/OR COUNTRY: ADAM SMITH’S RHETORICS OF “NATURAL PROGRESS OF OPULENCE”
Abstract
The brief history of Europe after the fall of the Western Roman Empire in the Wealth of Nations (1776) has received due attention. What makes this account noteworthy is, on the one hand, the causal links Smith forges between a series of historical developments —and attributes to David Hume—pertaining to the rise and fall of feudal system and the emergence of modern European states; and on the other hand, his argument that Europe had not followed the “natural progress of opulence” (WN III.i): its progress had been inverted and retarded—which deflects him away from Hume—due to historical circumstances which had favoured the town at the expense of the country. Building on his Lectures on Rhetoric and Belles Lettres and Essays on Philosophical Subjects, the present paper shows that there are sufficient grounds to argue that Smith constructs this paradox as a rhetorical device: (i) the inverted presentation of history creates emotional unease in readers thereby requiring a theoretical explanation, (ii) which Smith provides in the simplest and most satisfactory manner possible in his historical account. (iii) The resulting motivational power of theoretical beauty reflects Smith’s attempt to foster reform —withdrawal of policies that benefit either the town or the country (iv) The resulting admiration for theoretical beauty helps, in turn, to distract readers’ attention away from appreciating the fact that it was the mercantile system, Smith’s prime adversary, that made possible unprecedented liberty, wealth and progress.
Biography
Ecem Okan is a Senior Lecturer in Economics at the University of Lorraine. She specializes in the history of economic thought. She works on the relation of economics, political and moral philosophy, and philosophy of history through the works of David Hume and Adam Smith in particular, and the Scottish Enlightenment in general.
TABLE RONDE
“L’APPORT DES HUMANITÉS NUMÉRIQUES AUX ÉTUDES SUR LES XVIIE ET XVIIIE SIÈCLES”
Valérie Capdeville
Université Rennes 2
valerie.capdeville@univ-rennes2.fr
L’EXPÉRIENCE DE DIGIT.ENS ET SES ENJEUX
Résumé
Les Humanités numériques constituent une invitation au franchissement des frontières, au déplacement et dépassement des approches disciplinaires et méthodologiques traditionnelles. Dans le champ des études anglo-américaines sur les XVIIe et XVIIIe siècles, elles font évoluer à la fois notre rapport aux sources documentaires et nos enjeux de recherche, à travers la dimension collaborative et interdisciplinaire, les nouvelles modalités de mise en valeur des corpus et de diffusion des connaissances via des outils innovants.
La création de DIGIT.EN.S, Digital Encyclopedia of British Sociability in the Long Eighteenth Century, a résolument transformé et enrichi nos pratiques scientifiques. L’enjeu central de cette ressource numérique réside dans la construction d’une cartographie des savoirs liés à « la sociabilité britannique au cours du long XVIIIe siècle », à partir, d’une part, de notices rédigées par des chercheurs spécialistes d’horizons disciplinaires variés et, d’autre part, d’une anthologie de sources primaires (en développement). Cette plateforme en libre accès et évolutive permet ainsi d’envisager une utilisation non conventionnelle des données encyclopédiques et anthologiques grâce à l’interconnexion maîtrisée des données.
En quoi l’expérience DIGIT.EN.S a-t-elle permis de nous interroger sur le potentiel, les enjeux, mais aussi les limites de ce type d’outil ? Quel impact les humanités numériques ont-elles sur la façon dont on fait de la recherche et quelle est leur valeur ajoutée pour les études sur le long XVIIIe siècle ?
Biography
Valérie Capdeville is Professor of British History and civilisation at the University of Rennes 2. She has specialised in the social and cultural history of British clubs and sociabilities in the eighteenth century. She is the author of L’Age d’or des clubs londoniens (1730-1784) (Champion, 2008). She has co-edited La sociabilité en France et en Grande-Bretagne au Siècle des Lumières : Les Espaces de sociabilité (Le Manuscrit, 2014), with Éric Francalanza ; British Sociability in the Long Eighteenth Century. Challenging the Anglo-French Connection, with Alain Kerhervé (Boydell, 2019) ; a special issue of Etudes anglaises : « Sociable Spaces in Eighteenth-Century Britain: A Material and Visual Experience », with Pierre Labrune (Sept. 2021) and a collective volume : La Fabrique des sociabilités : espaces et identités en Europe et dans les colonies (XVIIIe-XIXe siècles), with Kimberley Page-Jones (Presses de l’Université de Montréal, 2023). For several years, she has extended her research to the British Empire and investigated the cultural transfer of the British club model to the American colonies. She has recently completed a new monograph entitled “Club sociability in Colonial America (1720-1776): From British Tradition to American Experience” to be published by Manchester University Press. She is the co-founder and current director of the GIS Sociabilités (an international scientific research group) and a managing editor of the DIGIT.EN.S online encyclopedia.
Emmanuelle De Champs
CY Cergy Paris Université
emmanuelle.de-champs-de-saint-leger@cyu.fr
L’ÉDITION EN LIGNE DE CORRESPONDANCES ET SES ENJEUX : LA CORRESPONDANCE DE JEREMY BENTHAM ET CELLE DE NICOLAS DE CONDORCET
Résumé
Les possibilités ouvertes par l’édition en ligne ont révolutionné la publication et l’étude des correspondances, et, partant, celle des réseaux intellectuels et des sociabilités au cours du long XVIIIe siècle. La base de données e-enlightenment rassemble près de 80 000 lettres échangées à travers toute l’Europe. Le site Founders Online publie les correspondances de sept personnalités majeures de la révolution américaine et de la jeune Amérique, soit à ce jour plus de 184 000 documents annotés. Ces bases de données ont permis le développement d’outils de visualisation géographique et d’analyse de réseaux, ouvrant de nouvelles dimensions à la recherche. Aux côtés de ces gigantesques projets internationaux, l’édition numérique de correspondances a donné un nouveau souffle aux études dix-huitiémistes. En présentant deux projets auxquels je suis associée, l’édition de la correspondance de Jeremy Bentham (general editor Philip Schofield, UCL) et celle de Nicolas de Condorcet (directeur Nicolas Rieucau, Paris 8), j’aborderai les méthodes et les enjeux de l’édition de correspondances à l’âge de la révolution numérique, tout en esquissant des éléments de réflexion sur la façon dont ces nouveaux modes d’accès aux sources impactent les pratiques de la recherche.
Biographie
Spécialiste de l’histoire intellectuelle de la Grande-Bretagne, je travaille sur Jeremy Bentham et l’utilitarisme classique (XVIIIe-XIXe siècles). Après ma monographie Enlightenment and Utility, Bentham in French, Bentham in France j’ai développé une perspective comparatiste et européenne en étudiant en regard les idées de Condorcet et de Mme de Staël.
En délégation au laboratoire Triangle (Lyon) pour l’année 2023-24, mes recherches actuelles se centrent sur la période qui précède le Reform Act de 1832 et sur la culture politique radicale londonienne, en étudiant la façon dont l’utilitarisme s’inscrit dans les réseaux réformateurs. J’aborde dans ce cadre les questions morales et les rapports de genre à travers l’étude des écrits de deux pionnières des droits des femmes dans les années 1820, Frances Wright et Anna Doyle Wheeler.
Entre 2016 et 2022, j’ai été coordinatrice principale du projet Testaments de Poilus, soutenu par la Fondation des Sciences du Patrimoine, avec les Archives nationales et d’autres partenaires. Ce projet a développé une plateforme de transcription collaborative en ligne et abouti à la publication d’une édition numérique de 950 testaments de Poilus de la Première guerre mondiale.
Elodie Peyrol-Kleiber
Université de Poitiers
elodie.peyrol.kleiber@univ-poitiers.fr
DES DONNÉES BRUTES À L’ANALYSE INTERACTIVE: LA CRÉATION D’UNE BASE DE DONNÉES SUR LES LOIS RÉGISSANT LE SYSTÈME SERVILE D’ENGAGEMENT
Résumé
Le projet de recherche d’Elodie Peyrol-Kleiber consiste en la création d’une base de données centralisant toutes les lois ayant régulé le système servile d’engagement tel que développé de manière concomitante par les officiels anglais et français dans les colonies du continent américain et des Antilles au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Cette base de données rassemble plus de 750 textes de loi et fonctionne par mots-clés. L’objectif de l’utilisation de la technologie numérique est de rendre ces données accessibles à un public de collègues, d’étudiants ou au grand public, mais également de les rendre exploitables. Elles relient chaque loi à l’archive originale numérisée et/ou transcrite, permettant d’avoir accès au texte original, et elles peuvent être manipulées par l’utilisateur/trice: on peut discriminer les données, générer un tableau, un schéma, afin de faire ressortir des éléments de l’étude. Ainsi, l’outil numérique transforme un amas de données formelles en une analyse interactive de(s) sujet(s) traité(s).
Biographie
Elodie Peyrol-Kleiber est maître de conférence (Assistant Professor) en civilisation nordaméricaine et secrétaire du REDEHJA – Réseau pour le Développement Européen de l’histoire de la Jeune Amérique (1607-1865). Elle est spécialiste de civilisation américaine 17e/18e siècles et co-éditrice du Journal of Early American History, publié par Brill. Depuis juin 2021, elle est membre du conseil de l’Omohundro Institute of Early American History and Culture, Williamsburg, Virginia, USA, dont elle accueillera le colloque annuel à Poities en juin 2023. L’ouvrage Agents of European Overseas Empires: Private Colonisers, 1450-1800, qu’elle a co-dirigé avec A. Delahaye, L. H. Roper et B. van Ruymbeke, sera publié par Manchester UP en 2024.
PANEL CROISÉ SEAA 17-18 & SERA
« RADICALISM, ROMANTICISM AND REVOLUTION(S)
FROM ONE SIDE OF THE CHANNEL TO THE OTHER »
Emmanuelle De Champs
CY Cergy Paris Université
emmanuelle.de-champs-de-saint-leger@cyu.fr
‘WHAT IS LOVE?’ UNE NOUVELLE FRONTIÈRE DES RELATIONS ENTRE LES SEXES DANS LES MILIEUX ROMANTIQUES ET RADICAUX LONDONIENS
Résumé
Dans The Origins of Sex. A History of the First Sexual Revolution, F. Dabhoiwala a montré comment une nouvelle morale sexuelle s’élabore dans certains milieux radicaux londoniens entre la fin du XVIIIe et les premières décennies du XIXe siècle (Dabhoiwala 2013, 123-135). What is Love ? Or Every Woman’s Book, de Richard Carlile, paraît à partir de 1825 dans The Republican et fait l’objet de plusieurs éditions successives, souvent remaniées, au cours des années suivantes. Carlile y compile plusieurs sources, comme le pamphlet de Francis Place sur la contraception, la note ajoutée par Shelley à Queen Mab critiquant l’institution du mariage, des sources antiques, et reprend les remarques qui lui sont envoyées par ses lecteurs et lectrices… Ces nouveaux discours sur la sexualité sont à l’articulation des conceptions romantiques, des débats autour des Principles of Population de Malthus, de la critique de la famille par Robert Owen et de la redécouverte des principes épicuriens à laquelle l’utilitarisme contribue. Cette présentation se penchera ensuite sur la façon dont les autrices Frances Wright et Anna Doyle Wheeler se sont nourries de ces débats pour construire, indépendamment l’une de l’autre, leurs critiques féministes du mariage et leurs arguments pour l’émancipation des femmes au cours des années 1820.
Biographie
Emmanuelle de Champs est professeure d’histoire et civilisation britannique à CY Cergy Paris Université et spécialiste de Jeremy Bentham. En délégation à l’UMR Triangle en 2023-24, elle travaille sur les cultures radicales à Londres dans les années 1815-1832.
Rémy Duthille
Université Bordeaux Montaigne
remy.duthille@u-bordeaux-montaigne.fr
ABOLISHING BORDERS, STAGING FRIENDSHIP:
CROSS-CHANNEL FESTIVALS AND FOREIGN GUESTS OF HONOUR, 1790-1792
Abstract
This paper examines political festivals in both England and France (14 July celebrations in London in 1790, Anglo-French Festivals in French Seaports from 1790 to 1792) as events staging Franco-British friendship and reconciliation. They were marked by rhetoric calling for the abolition of borders or, more frequently, the maintenance of them with a free-trade regime ensuring a health political, economic and social emulation.
English radicals used Bastille Day as a platform for relaunching parliamentary reform at home, paying homage to French guests of honour and using French phraseology and symbols, borrowing freely from across the Channel. As for French Jacobins in Bordeaux, Nantes and other Atlantic ports, they gave festivals to British subjects in town, treating them as guests of honour. Both sets of festivals are linked by cross-Channel voyages, especially that of Bougon and Français, two members of the Nantes Jacobin Club, who treated English seamen in Nantes to a festival in August 1790, then, in the autumn, crossed the border and were lioned by Whig grandees and middle-class radicals in and around London.
The paper examines the crossing of both national borders, and symbolic and cultural ones (Franco-British syncretic symbolism, crossings from private to public spheres with domestic and tavern festivities). This rather short moment of attempted Franco-British celebration in 1790-1792 collapsed as diplomatic relations worsened and war broke out in February 1793, but it also established patterns and precedents for later Anglo-French crossings in the nineteenth century.
Biographie
Rémy Duthille est Maître de conférences HDR en civilisation britannique à l’Université Bordeaux Montaigne et spécialiste des sociabilités et du radicalisme politique à l’âge des révolutions.
John-Erik Hansson
Université Paris Cité
john-erik.hansson@u-paris.fr
HÉRITER L’ANARCHISME DE WILLIAM GODWIN APRÈS LA SECONDE GUERRE MONDIALE EN FRANCE, EN BELGIQUE ET AU ROYAUME-UNI
Résumé
Cette communication propose d’étudier William Godwin par le prisme de son franchissement de frontières à la fois chronologiques et entre États, dans l’Europe de la seconde moitié du XXe siècle. Godwin, sa pensée et son anarchisme ont en effet été saisis par des intellectuels du monde anarchiste après la Seconde Guerre mondiale. Au Royaume-Uni, le membre du collectif Freedom, George Woodcock, publie une étude biographique de William Godwin dès 1946. Celle-ci fait date et encourage d’autres anarchistes anglais, et notamment Colin Ward à puiser dans la pensée Godwinienne pour penser l’anarchisme et la révolution dans le contexte du Royaume-Uni d’après-guerre, notamment dans les pages des périodiques Freedom et Anarchy. En 1953, en France et en Belgique, les anarchistes André Prudhommeaux et Hem Day (Marcel Dieu) consacrent le premier numéro des Cahiers Pensée et Action à « William Godwin Philosophe de la Justice et de la Liberté ».
Partant des traces de cette réception de Godwin dans l’Europe d’après-guerre, j’interrogerai les raisons qui sous-tendent les tentatives de ressusciter Godwin, auteur relativement oublié voire peu connu (particulièrement en France), et le transformer en figure de proue d’un activisme anarchiste souvent vu en recul de 1945 à la fin des années 60. En particulier, je m’intéresserai à la façon dont Woodcock, Ward, et les contributeurs aux Cahiers Pensée et Action mettent en scène le pacifisme, la pédagogie et le fédéralisme de Godwin pour penser un anarchisme à la fois réformiste et révolutionnaire, utopique et pratique, adapté à une Europe meurtrie par deux guerres mondiales et où l’État prend une place de plus en plus importante étant donné à la fois le développement de l’État providence et le modèle soviétique dont s’inspirent en partie les gauches européennes.
Biographie
John-Erik Hansson est Maître de conférences en histoire britannique à l’Université Paris Cité. Il s’intéresse au radicalisme politique du dix-huitième siècle à nos jours, particulièrement à William Godwin, à son cercle et à sa réception, et à l’histoire de l’anarchisme.
Marion Leclair
Université d’Artois
marion.leclair@gmail.com
THERE AND BACK AGAIN:
THE CHANNEL CROSSINGS OF GODWIN’S CALEB WILLIAMS (1794)
Abstract
William Godwin’s Things As They Are; or, The Adventures of Caleb Williams, published in 1794 in Britain, met with immediate success across the Channel: two French translations appeared in 1796, by Germain Garnier in Paris, and by Samuel Constant (Benjamin’s uncle) in Lausanne. The following year, it was adapted for the French stage by Jean-Louis Laya as Falkland, ou la conscience, with François-Joseph Talma in the lead role. When Godwin died in 1836, an obituary printed in the Revue britannique recalled Caleb Williams’s ‘débit prodigieux’ in France, comparing it to that of Walter Scott’s novels.This crossing of borders was facilitated by a relative slump in novel production in France during the revolutionary decade, as well as by a perceived political continuum between French and British jacobinism: Caleb Williams, writes Garnier in his preface, is ‘sure to be welcomed in the country which has dealt the most severe blows to the ancient spirit of chivalry’.
Godwin’s work crossed a social border at the same time. Feted on the continent in the Stael-Constant circle by liberal aristocrats looking for a middle ground between absolutism and republicanism, it became (like Godwin’s Political Justice of which Constant attempted a truncated translation) hollowed of its initial radical thrust: it was praised (in Stael’s Essai sur les fictions) as a thriller rather than a political novel, able to captivate readers without relying on a love interest.
This reading then made its way back to Britain where it was taken up, from the 1810s on, by Anna Laetitia Barbauld and The Edinburgh Review, as the novel was gradually purged of its jacobin taint and absorbed into the national canon.
My paper will trace the cross-border itinerary of Caleb Williams in the age of revolutions, while attempting to make a broader point about the non-coincidence of literary fields across borders, and the gradual construction in early nineteenth-century Britain of a literary sphere ostensibly abstracted from politics. Cette communication aura pour objet les traductions françaises du roman de Godwin, Caleb Williams, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle.
Biographie
Marion Leclair est Maîtresse de conférences en civilisation britannique à l’Université d’Artois et spécialiste du radicalisme politique et littéraire à la période romantique.
Kimberley Page-Jones
Université de Bretagne Occidentale
pagejonesk@yahoo.com
BRITISH TRAVELLERS TO REVOLUTIONARY FRANCE: THE POLITICS OF PUBLIC JOY IN COUNTER-REVOLUTIONARY ROMANTICISM
Abstract
This paper will argue that the second revolution, inaugurated by the September massacres in 1792, entailed a revision of representations of public joy in British travel narratives. Jean Peltier, a Royalist and active counter-revolutionary polemicist, marked 1792 as a moment of exceptional horror in his Dernier Tableau de Paris ou Récit historique de la révolution du 10 août 1792, and the September massacres as an ‘anti-fête’. Peltier had loosely translated and published some of Burke’s discourses, praising his linguistic boldness. His writing developed a large range of strategies, from trigger warnings to theatrical metaphors, horror exceeding language, images of natural degeneration and chaos to shape the ‘festive terrible’. In counter-revolutionary accounts of French public events, festive jubilation mutates into ferocious mirth, and descriptions conjure up Burke’s dreadful parading of the Royal captives with its ‘horrid yells’, ‘shrilling screams, and ‘frantic dances’. The rhetorical technique was used in countless anti-Jacobin travel narratives. The paper will focus more specifically on the later letters of Helen Maria Williams and the travelogue of Rachel Charlotte Biggs who resided in France from 1792 to 1795 and ‘reported’ all the massacres for the Jacobin press, making ample use of all the paraphernalia of the Burkean anti-fête.
Fraternity and public joy demystified by the horrors of the Jacobin revolution, British travellers looked for new ‘delightful visions’ to ‘elevate the enthusiastic heart’ (H.M. Williams). The letters Helen Maria Williams wrote during her journey to Switzerland for instance reintroduce more communal or private forms of joy she had explored in her pre-revolutionary novel Julia. The same unquenchable appetite for healing visions of social delight also characterises Mary Wollstonecraft’s Scandinavian letters. The paper thus aims to show that the travel narratives of the period 1792-1798, looking at or looking back at the second revolution, took two divergent paths. While loyalist travellers publicized the Terror as the natural degeneration of the festive ideal confirming Edmund Burke’s political oracle, revolutionary enthusiasts like William Wordsworth or Helen Maria Williams looked towards new forms of fraternal joy to re-humanize solitary or communal experiences. In that sense, the travel narratives played an important role in effecting the transition from a demystified public joy to more private, communal or customary forms of joy. The epistolary travelogue Coleridge envisaged writing when he left to Germany in September 1798 is also a key narrative for the Romantic reinvention of social joy and public affections. As in Wollstonecraft’s letters, Coleridge’s interest for rural communities, customary festive events and folk culture while touring Germany can be read in the context of the disavowal of public fraternal events.
Biography
Kimberley Page-Jones is Senior lecturer at the University of Western Brittany in France. Her research has focused on the practice of notebook writing during the Romantic era (Énergie et mélancolie: les entrelacs de l’écriture dans les Notebooks de S.T. Coleridge (Grenoble: UGA, 2018)). She is a member of the GIS Sociabilités and has coordinated the H2020 DIGITENS project. She is also one of the Managing Editor of the DIGIT.EN.S Encyclopedia. Her research currently focuses on the political values attached to sociable practices and social imaginaries and their aesthetic representations in travel writings. She has published articles and collective volumes on the topic. Her latest publication is Sociabilités et espaces en Europe et dans les colonies (XVIIIe-XIXe siècles). Pratiques, identités et réseaux, co-edited with Valérie Capdeville, Presses de l’Université de Montréal, 2023.